Une réunion d'opposants syriens en plein coeur de Damas a suscité des sentiments mitigés chez les contestataires qui ont continué de manifester contre le régime du président Bachar al-Assad.

Les participants à la rencontre de lundi, une centaine d'opposants et d'intellectuels, ont appelé, à la fin de leurs débats, à la poursuite du «soulèvement pacifique» jusqu'à l'avènement de la démocratie en Syrie, gouvernée par le parti Baas depuis près d'un demi-siècle.

Sur le terrain, les militants pour la démocratie ont organisé dans la nuit de lundi à mardi plusieurs manifestations réclamant la chute du régime, qui a poursuivi de son côté les arrestations de contestataires, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

De plus, ces militants qui ont déclenché le 15 mars une révolte contre le régime ont critiqué sur Facebook la réunion de Damas, jugeant qu'elle s'était déroulée «sous la bannière du régime» tyrannique et s'interrogeant sur l'utilité de redorer son image.

«Personne n'aurait dû légitimer le régime aux dépens du sang de nos martyrs», estiment les Comités de coordination de la Révolution syrienne qui chapeautent les manifestants en Syrie.

Les comités ont réitéré leur engagement «en faveur de la rue syrienne qui se révolte pour renverser le régime des milices favorables à Assad et se mettent au service de tous les révolutionnaires syriens libres».

L'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, sorti il y a peu de prison, est plus optimiste. Cette réunion, dit-il, a «réussi à consacrer le droit à se réunir sur le sol de la patrie d'une manière légitime et publique, et celui d'exprimer avec clarté des opinions hostiles au pouvoir sans être arrêté ou intimidé».

D'autres y ont vu un signe du «déclin» du régime. «Ils font marche arrière en renonçant à leur sacro-saint principe d'étouffer toute velléité de contestation», assure un opposant à Damas sous le couvert de l'anonymat.

«Des manifestations nocturnes ont eu lieu un peu partout pour appeler à la chute du régime et dénoncer une réunion d'opposants», a affirmé le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, Rami Abdel-Rahmane, basé à Londres.

«Des milliers de contestataires ont défilé à Homs (centre), entre 7000 et 10 000 personnes ont manifesté à Hama (nord), entre 5000 et 7000 à Deir Ezzor (nord-est) et ils étaient plus de 2000 à Idleb (nord-ouest)», a-t-il précisé.

Les manifestants qui scandaient des slogans hostiles au régime ont également défilé dans les villes côtières de Jablé et de Lattaquié, ainsi que dans des quartiers de Damas, ceux de Qaboun et de Barzé. «Ils rejettent tout dialogue avec le pouvoir», affirme le militant.

M. Abdel-Rahmane a en outre fait état d'arrestations par les forces de sécurité de contestataires à Roukn Eddine et Barzé à Damas, à Idleb, ainsi que dans le village d'al-Najia, frontalier de la Turquie.

Non affiliés à un parti politique, ces intellectuels ont appelé lundi à la fin de la sanglante répression de la contestation, condamné les incitations au confessionnalisme et assuré que des réunions similaires auraient lieu dans les autres régions syriennes.

Dans leurs discours individuels à l'ouverture de la réunion lundi, des opposants se sont montrés intransigeants. «Le régime tyrannique qui est au pouvoir doit disparaître», a martelé l'écrivain Louaï Hussein, ajoutant: «Il faut établir un régime démocratique fondé sur la citoyenneté et les droits de l'Homme».

«Nous faisons partie du peuple et nous avons opté pour le premier chemin avec le peuple. Ceux qui refusent de le prendre iront en enfer», a-t-il ajouté.

Dans une autre allocution, l'écrivain et opposant Michel Kilo - qui a purgé une peine de trois ans de prison pour avoir signé une déclaration dénoncée par le régime - a mis en garde contre «la solution sécuritaire» adoptée par les autorités qui «entraînera la destruction de la Syrie».

Il juge également que «le régime politique actuel doit disparaître au niveau structurel», car «le pouvoir doit être le produit de la société et non l'inverse».

1342 civils et 343 policiers et soldats ont été tués depuis le début de ce mouvement de contestation, selon le dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

«C'est un événement important, la première réunion de ce genre depuis des décennies», a souligné le département d'État américain.

En Russie, pays qui soutient le régime de Damas, une délégation d'opposants syriens a rencontré mardi Mikhaïl Marguelov, l'émissaire du Kremlin pour l'Afrique.

«La Russie peut recourir à des moyens de pression sur le régime syrien pour lui faire clairement comprendre que ce type de comportement (la répression de l'opposition, ndlr) est inacceptable», a déclaré Radwan Ziadeh, fondateur du Centre de Damas d'étude des droits de l'Homme, qui vit à Washington.