L'ambassadrice de Syrie à Paris a annoncé mardi sa démission, reconnaissant «la légitimité des demandes du peuple pour plus de démocratie et de liberté», alors que le régime a encore envoyé des renforts de troupes dans une ville du nord-ouest du pays théâtre d'une violente répression.

Si cette démission est confirmée, dans la mesure où la télévision syrienne l'a démentie, Lamia Shakkour sera le premier ambassadeur de Syrie à démissionner depuis le début mi-mars du mouvement de contestation contre le régime.

«Je ne peux soutenir ce cycle de violence (...), ignorer que des manifestants ont trouvé la mort, que des familles vivent dans la douleur», a expliqué Lamia Shakkour sur la chaîne France 24. «J'ai informé le secrétaire personnel du président Bachar al-Assad de mon intention de démissionner».

Cependant, dans une déclaration par téléphone à la télévision syrienne présentée comme venant de Mme Shakkour, l'ambassadrice a démenti toute démission et menacé de porter plainte contre France 24, affirme que l'affaire faisait partie d'une campagne de désinformation contre la Syrie.

Sur le terrain, des transports de troupes faisaient route vers la ville de Jisr al-Choughour» (nord-ouest), théâtre depuis samedi d'un ratissage de l'armée, a déclaré un militant sur place, précisant que la ville était «survolée toute la nuit par des hélicoptères».

Lundi, les autorités, qui attribuent les troubles dans le pays à «des gangs armés», ont affirmé que 120 policiers avaient été tués à Jisr al-Choughour, dont 80 au QG de la Sécurité, par ces «groupes armés».

Selon le quotidien Al-Watan, proche du pouvoir, «une opération sécuritaire et militaire de grande envergure (doit être) lancée dans des villages de la région de Jisr al-Choughour, après des informations sur la présence de centaines d'hommes armés».

Mais deux militants sur place, contactés par l'AFP à Nicosie, ont démenti les informations sur des «groupes armés» en affirmant que les policiers avaient été tués lors d'une mutinerie au QG de la Sécurité dans la ville située dans le gouvernorat d'Idleb.

Depuis vendredi, des dizaines de manifestants ont été tués dans cette ville connue pour être un fief des Frères musulmans dans les années 1980 et frontalière de la Turquie.

Les Frères musulmans ont assuré dans un communiqué publié mardi à Londres que le mouvement de contestation était «pacifique», accusant «les gangs des services de sécurité» d'être «les seuls meurtriers sur le sol syrien» et le régime de chercher un prétexte pour «justifier plus de violences et de meurtres» et «provoquer une guerre civile».

L'organisation a aussi dénoncé «le silence de la Ligue arabe et de la communauté internationale face aux crimes et aux massacres contre le peuple syrien pacifique et sans armes».

D'autre part, une jeune femme, Amina Abdallah, qui animait un blogue intitulé «une lesbienne à Damas» où elle revendiquait son homosexualité et exprimait ses prises de positions en faveur de la démocratie, a été «enlevée» lundi à Damas par des «hommes armés», a annoncé un membre de sa famille sur son blogue.

Les journalistes étrangers ne peuvent circuler librement en Syrie et par conséquent il est difficile de confirmer de source indépendante ces informations.

À l'étranger, le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a affirmé que son pays et d'autres puissances occidentales étaient désormais prêtes à risquer un veto de la Russie, un allié du régime syrien, à l'ONU sur leur projet condamnant la violence en Syrie.

«Le président Assad est en train de perdre sa légitimité, il devrait faire des réformes ou partir», a pour sa part déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.

En Iran, le président Mahmoud Ahmadinejad a condamné les «ingérences» des États-Unis et de leurs alliés en Syrie, principal allié de Téhéran dans la région.

Amnesty International a jugé «impératif que le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a été très silencieux sur ce sujet, vote une condamnation des massacres», l'exhortant à porter l'affaire devant la Cour pénale internationale.

Des associations et des juristes syriens ont d'ailleurs annoncé avoir formellement demandé mardi au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de mener une «analyse préliminaire» de la situation en Syrie, affirmant que le régime syrien a commis des crimes contre l'humanité.

Damas a déjà annoncé la levée de l'état d'urgence, la création d'une commission sur le multipartisme et une amnistie générale mais il a parallèlement continué de mater les manifestants.

Selon des organisations de défense des droits de l'Homme, plus de 1100 civils dont des dizaines d'enfants ont été tués depuis le 15 mars.