L'hospitalisation à Ryad du président yéménite contesté Ali Abdallah Saleh après un attentat a ouvert le débat sur sa succession, l'opposition estimant qu'il n'est plus en position de gouverner alors que son camp dit qu'il est toujours constitutionnellement chef de l'État.

Opéré avec succès dimanche dans un hôpital de Ryad des suites des blessures subies dans le bombardement de son palais à Sanaa, le président Ali Abdallah Saleh se porte bien et qu'il rentrerait au Yémen dans «les prochains jours», après avoir été opéré en Arabie saoudite, a rapporté l'agence de presse officielle Saba.

«Son excellence récupère bien et rentrera au pays dans les prochains jours», a dit le vice-président Abed Rabbo Mansour Hadi au cours d'une réunion du parti au pouvoir.

«Le président aura perdu toute capacité de discernement s'il pense exercer de nouveau le pouvoir», a déclaré à l'AFP Hassan Zayd, l'un des dirigeants de l'opposition, tout en déplorant l'attentat de vendredi.

«Le message (de l'attentat), c'est qu'il est indésirable», a ajouté ce dirigeant.

L'entourage du chef de l'État a entretenu la confusion en imputant la responsabilité de l'attentat tantôt à la tribu al-Ahmar, tantôt à Al-Qaïda, et en évoquant même la piste d'un drone pour expliquer la précision du tir contre la mosquée du palais où étaient rassemblés les hauts dignitaires de l'État.

Des accusations qui témoignent d'une âpre lutte pour le pouvoir entre le clan du président, conduit par son fils et ses neveux qui contrôlent les principaux organes de sécurité, et ses nombreux adversaires politiques et tribaux.

Le porte-parole de l'opposition parlementaire, Mohamed Qahtan, a affirmé que son groupe «oeuvrera de toutes ses forces pour empêcher le retour» de M. Saleh au Yémen, alors que les jeunes contestataires qui campent sur les places publiques ont appelé à la formation d'un conseil présidentiel intérimaire pour diriger le pays.

Mais le secrétaire général adjoint du parti au pouvoir, Sultan al-Barakani, a assuré que «le président Saleh va rentrer pour exercer le pouvoir».

«Constitutionnellement, il sera président jusqu'à ce qu'il signe» l'accord élaboré par les monarchies du Golfe sur la transition prévoyant son départ, a-t-il déclaré à la chaîne satellitaire Al-Arabiya.

Le refus de M. Saleh de parapher un accord de transition, proposé par les monarchies du Golfe, dont l'Arabie saoudite, a exacerbé les tensions à Sanaa où de violents combats ont éclaté le 23 mai entre forces gouvernementales et partisans du puissant chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar.

«Si le président reprend le pouvoir, la révolte populaire et pacifique se poursuivra jusqu'à la réalisation de ses objectifs», en l'occurrence la chute du régime, a averti le chef du bureau de cheikh Sadek al-Ahmar, Abdel Qawi al-Qaïssi.

Habile tacticien qui a réussi jusqu'ici à s'accrocher au pouvoir malgré quatre mois de protestations populaires et de fortes pressions internationales, M. Saleh «doit admettre qu'il a épuisé ses dernières cartouches», a estimé l'analyste saoudien Abderrahman al-Rached.

«Je crois que le départ de Saleh est définitif», a ajouté M. Rached, directeur de la chaîne Al-Arabiya, dans le quotidien saoudien Asharq Al-Awsat, estimant que le président yéménite, à la tête du pays depuis 33 ans, devrait au nom de la Constitution dont il se réclame, «assurer une transition pacifique».

L'opposition parlementaire, menée par l'influent parti islamiste Al-Islah, et la puissante confédération des Hached, soutenue par les officiers dissidents de l'armée, offriraient une alternative au régime de M. Saleh même si, écrit M. Rached, «on n'est pas sûr qu'elles aient une approche unifiée de l'avenir du Yémen».