Trois manifestants ont péri samedi en Syrie au moment où une foule immense enterrait les dizaines de personnes tuées la veille par les forces de sécurité, le régime semblant déterminé à écraser la révolte sans précédent qui secoue le pays depuis près de trois mois.

Au total, 53 civils ont été tués vendredi à travers la Syrie lors des plus importantes manifestations depuis le début mi-mars de la révolte contre le régime du président Bachar al-Assad, alors que le responsable d'une organisation de défense des droits de l'Homme prévenait que le pays était «au bord du gouffre».

La répression a été qualifiée d'«impitoyable» par Londres, qui a condamné «le mépris odieux» de Damas pour la vie humaine, alors que le patron de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit «alarmé» par l'escalade de la violence exercée par le pouvoir, qui reste sourd aux pressions et sanctions internationales.

Trois civils ont été tués dans la localité de Jisr al-Choughour, dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest) par les forces de sécurité qui «ont tiré pour disperser plus de 1000 manifestants sortis protester après les funérailles d'un civil», a précisé un militant sur place.

L'agence officielle Sana a indiqué pour sa part qu'un «assaillant» et un membre des forces de sécurité avaient été tués lors de heurts à Jisr al-Choughour, alors que les autorités accusent toujours des «gangs criminels» d'être à l'origine des troubles.

Les journalistes étrangers ne peuvent pas circuler librement en Syrie, rendant difficile toute vérification des faits sur le terrain.

À Hama, à 210 km au nord de Damas, plus de 100 000 personnes ont participé aux funérailles des 48 victimes de la répression la veille dans la ville, a déclaré le président l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Vendredi, quatre personnes avaient aussi été tuées dans la région de Homs et une autre à Idleb.

Les forces de sécurité n'étaient pas visibles à Hama, frappée en 1982 par une répression ayant fait 20 000 morts lorsque le mouvement interdit des Frères musulmans s'étaient soulevés contre le régime de Hafez al-Assad, père de l'actuel président.

Les journaux officiels ont pour leur part fait état de «20 personnes tuées vendredi, des policiers, des agents de sécurité et des civils, par des tirs de groupes armés».

Des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à travers le pays pour réclamer la chute du régime, à l'appel de militants pro-démocratie qui avaient dédié la journée aux «enfants de la liberté».

Selon l'Unicef, au moins 30 enfants ont été tués par balle dans la répression du mouvement de contestation qui a éclaté quand 15 enfants et adolescents accusés d'être les auteurs de graffitis anti-régime à Deraa (sud) ont été arrêtés et torturés.

Et depuis fin mai, le jeune Hamzeh al-Khatib, 13 ans, «torturé à mort» par les forces de sécurité selon des militants, est devenu l'un des symboles de la brutalité du régime. Selon les ONG, la répression de la révolte a déjà fait plus de 1.100 morts et entraîné l'arretation de milliers de personnes.

Parallèlement, le réseau internet a été rétabli après une coupure de plus de 24 heures. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est dite «profondément préoccupée» par cette interruption et a affirmé que le régime devait «comprendre que tenter de réduire sa population au silence (n'empêcherait) pas la transition».

La mobilisation de vendredi était la «plus importante» depuis le 15 mars, «et ce en dépit de l'amnistie» générale pour les prisonniers politiques proclamée mardi par M. Assad, a estimé M. Abdel Rahmane. «Cela montre que les gens ne font plus confiance au régime», a-t-il ajouté, estimant que la Syrie était désormais «au bord du gouffre».

Après l'annonce de l'amnistie, des centaines de prisonniers politiques et de conscience ont été libérés, selon des ONG syriennes.

Mais cette amnistie réclamée depuis des années arrive «trop tard», a affirmé l'opposition en exil, qui exige désormais le départ «immédiat» de Bachar al-Assad et la tenue d'élections parlementaires et présidentielle «libres».

Lors d'une nouvelle rencontre à Bruxelles, quelque 200 opposants syriens, venus de Belgique et d'ailleurs en Europe se sont retrouvés pour soutenir la révolte et réclamer la fin de la répression.