Les forces de l'ordre syriennes ont violemment dispersé des manifestations vendredi dans plusieurs villes du pays, faisant au moins huit morts, alors que le président français réclamait à son tour à son homologue syrien qu'il mène une transition ou qu'il parte.

«Trois personnes ont été tuées à Daël (sud), trois autres dans la ville de Qatana, en banlieue de Damas, une dans la banlieue de Zabadani, et une autre à Jableh, près de la ville côtière de Lattaquié» (ouest)», a déclaré à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, basé à Londres.

Plus de deux mois après le début de la révolte sans précédent contre le régime du président Bachar al-Assad et sa répression meurtrière, d'autres manifestations ont eu lieu à travers le pays, notamment dans la capitale, jusqu'ici relativement épargnée par les protestations.

Les forces de sécurité ont dispersé à coup de matraque des centaines de manifestants dans le quartier de Rokn-Eddine, dans le nord de Damas, a indiqué à l'AFP le président de la Ligue syrienne des droits de l'Homme, Abdelkarim Rihaoui.

À Deir Ezzor (est), «les forces de l'ordre syriennes ont tiré en l'air pour disperser quelque 5000 manifestants qui s'étaient rassemblés après les prières du vendredi», a-t-il ajouté.

À Saleheddine, près d'Alep (nord), deuxième ville du pays, les forces de sécurité ont utilisé des matraques pour disperser des centaines de protestataires, selon lui.

Quelque 400 personnes ont manifesté dans la région de Derbassiya (nord-est), et des milliers d'autres à Qamichli (nord-est) et à Amouda (nord), où réside une majorité de Kurdes, a indiqué ce militant.

Pour cette nouvelle journée de protestations, les manifestants avaient tendu la main à l'armée, appelant les soldats à rallier leur mouvement.

Aucune information ne faisait cependant état d'éventuels ralliements de soldats aux manifestants. Les commandants de l'armée sont en effet très fidèles au régime et sont pour la plupart, comme le chef de l'État, issus de la communauté musulmane alaouite, une branche du chiisme.

Ces derniers jours, les contestataires ont décidé de manifester plutôt de nuit de manière à déjouer la vigilance des forces de sécurité. Des militants ont ainsi indiqué que des manifestations nocturnes avaient eu lieu dans plusieurs villes, ne faisant pas état de victime.

Selon des groupes des droits de l'Homme, plus de 1000 personnes ont été tuées et quelque 10 000 arrêtées depuis le 15 mars dans la répression des manifestations.

À l'étranger, le président français Nicolas Sarkozy a déclaré, à l'issue du G8 de Deauville (nord-ouest de Paris), être en accord avec son homologue américain Barack Obama pour appeler le président Assad à diriger la transition ou à se retirer du pouvoir.

«Est-ce que j'aurais pu dire cela? Oui», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Barack Obama «a eu raison de le dire», a-t-il ajouté.

Le 19 mai, le président américain avait affirmé: «Le président Assad est maintenant face à un choix. Il peut diriger la transition, ou s'écarter».

C'est la première fois que la France parle aussi clairement d'un départ du pouvoir du président Assad.

Les dirigeants du G8 ont de leur côté prévenu la Syrie qu'ils envisageraient d'«autres mesures» si la répression continuait, selon la déclaration finale.

Dans une version antérieure de la déclaration, ils s'étaient faits plus menaçants, parlant d'une «action au Conseil de sécurité» de l'ONU, mais une source diplomatique a indiqué dans la matinée que les Russes pourraient s'opposer à une référence au Conseil de sécurité dans le texte de la déclaration finale.

Alors que le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a appelé au départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, dont le régime est également en proie à un mouvement de contestation, il a jugé que la situation en Syrie était «radicalement différente» de celle en Libye.

La Turquie a une nouvelle fois appelé le président Assad à faire des réformes pour régler de manière pacifique la crise que traverse son pays.

Sur le plan humanitaire, le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a exhorté Damas à autoriser la venue d'une mission pour faire la lumière sur les allégations de meurtres commis par les forces gouvernementales.

Jeudi, Amnesty International a dit avoir obtenu une vidéo semblant indiquer que les forces de sécurité «tirent pour tuer» les manifestants.