Les États-Unis veulent hausser le ton contre la Syrie mais ne sont pas encore prêts à appeler à un changement de régime, conscients du poids que ferait peser sur eux une telle déclaration.

Le département d'État, qui avait qualifié le 3 mai la répression sanglante en Syrie de «barbarie», a réitéré l'accusation mercredi. Et «nous n'employons pas très souvent le mot barbare ici», a souligné le porte-parole Mark Toner.

La formule n'impressionne pas Bouthaina Shaaban, une conseillère du président syrien Bachar al-Assad. Interrogée à Damas par le New York Times, celle-ci a qualifié la réaction américaine à la crise syrienne de «pas trop mauvaise» jusqu'à présent. Et d'ajouter: «Une fois que la sécurité sera revenue, tout pourra s'arranger».

Au Congrès américain, des sénateurs influents ont proposé mercredi une résolution affirmant qu'Assad avait perdu sa légitimité en perpétrant des violences contre son propre peuple.

Le dirigeant syrien doit «démissionner dès maintenant. S'il refuse, j'espère personnellement que les patriotes et l'armée le renverseront», a même asséné le républicain Marco Rubio.

Mais l'administration Obama est nettement en retrait de ces parlementaires.

Un haut responsable a confié à l'AFP que des «mesures supplémentaires» de sanction étaient en préparation, après huit semaines de contestation.

«Nous faisons cela très prudemment, en étant attentifs à toutes les complexités. La situation s'aggrave sur le terrain et il est important de commencer à exprimer clairement nos vues», a expliqué cette source parlant sous couvert de l'anonymat.

Les sanctions actuelles américaines et européennes visent des proches du régime, mais pas Bachar al-Assad lui-même.

Quant à appeler au départ du président syrien, «nous n'en sommes pas encore là», a dit le diplomate: «C'est une décision grave. Il ne s'agit pas seulement de prononcer les mots, mais d'agir en conséquence».

Washington veut également inscrire sa réaction dans celle, plus large, de la «communauté internationale»: «Nous ne voulons pas être les seuls à dire quelque chose de ce genre».

L'administration «comprend les complexités inhérentes» à la situation syrienne, estime l'analyste Mona Yacoubian sur le site du Conseil des relations étrangères (CFR).

Alliée proche de l'Iran, la Syrie influe aussi fortement sur le destin du Liban, à travers le mouvement Hezbollah qu'elle soutient. Elle a aussi un rôle essentiel à jouer dans le processus de paix entre Israël et les Palestiniens.

En Libye, les appels au départ de Mouammar Kadhafi avaient précédé les frappes militaires. Mona Yacoubian juge ce scénario improbable en Syrie.

«Nous ne sommes vraiment pas en position de pouvoir utiliser la force», pense aussi Anne Marie Slaughter, qui était jusqu'en début d'année l'une des plus proches conseillères de la secrétaire d'État Hillary Clinton.

«La Syrie est un crève-coeur», a-t-elle dit au CFR, «parce qu'il semble que le gouvernement restera impuni pour la même brutalité qu'on avait vue il y a vingt ans».