Les autorités syriennes affichaient dimanche leur détermination à faire taire par la force la contestation sans précédent contre le président Bachar al-Assad, en ordonnant à l'armée d'intervenir tour à tour à Banias et à Homs où, selon un militant, un enfant de 12 ans a été tué.

Par ailleurs, un vétéran de la lutte pour les droits de l'homme en Syrie, Riad Seif, 64 ans, qui souffre d'un cancer, a été inculpé dimanche pour avoir enfreint l'interdiction de manifester, selon l'avocat Khalil Maatouk.

Les militaires, qui avaient pris position depuis vendredi avec des chars dans le centre de Homs, à 160 km au nord de Damas, ont pénétré samedi soir et dimanche à l'aube dans plusieurs quartiers tenus par les opposants au régime comme Bab Sebaa et Baba Amr, selon un militant des droits de l'Homme.

Des tirs de mitrailleuses lourdes ont résonné dans ces quartiers, où l'électricité et les communications téléphoniques étaient coupées.

Un enfant de 12 ans, Qassem Zouheir al-Ahmad, a été tué dimanche par des tirs, a indiqué le militant sans pouvoir préciser les circonstances de ces tirs.

Il a également fait état d'autres morts à Homs sans pouvoir en fournir le nombre. «Des tireurs ont pris position sur les toits d'immeubles dans le quartier de Karam al-chami», a-t-il ajouté.

Une vidéo publiée sur YouTube montre une vingtaine de camions remplis de militaires se diriger dans la nuit vers Bab Sebaa.

«Malgré le siège des villes par les tanks (...) les menaces, les tortures sauvages, les jeunes ont brisé le mur de la peur et ont manifesté lors du "vendredi du défi". C'est très difficile que le peuple revienne en arrière», a affirmé à l'AFP Moujab Assamra, 33 ans, membre du parti de l'Union socialiste (opposition, interdit), réfugié depuis une semaine au Liban avec sa famille.

Les opposants avaient appelé à manifester massivement vendredi pour une journée baptisée «Vendredi du défi» et au moins 26 manifestants ont été tués, selon un militant.

À Banias, ville de 50 000 habitants sur la côte méditerranéenne dans le nord-ouest, les communications téléphoniques, l'électricité et l'eau ont été coupées, selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

«La ville est coupée du monde et dans les quartiers sud, place forte des contestataires, il y a des tireurs embusqués sur les toits», a-t-il ajouté.

«Des chars ont été déployés dimanche sur la corniche et dans les quartiers sud de Banias et des perquisitions ont été effectuées. Des personnes ont été arrêtées sur la base de listes», selon lui.

Samedi, il y a eu déjà des perquisitions et des arrestations de blessés dans ces quartiers, où vivent 20 000 personnes, selon lui.

Son organisation a précisé que plus de 250 personnes, dont un enfant de 10 ans, ont été arrêtées entre samedi soir et dimanche à Banias.

Selon le quotidien al-Watan, proche du pouvoir, l'armée livre depuis vendredi soir «une bataille féroce contre des groupes qui utilisent des armes lourdes, des roquettes anti-chars et des mitrailleuses» à Banias et dans ses environs.

Au moins six personnes ont péri samedi à Banias: quatre femmes qui manifestaient ont succombé à des tirs des forces de sécurité, selon un militant, puis deux personnes ont été tuées en fin de journée, selon un bilan de l'OSDH.

L'armée intervient à Homs et à Banias après dix jours de siège de Deraa (sud), épicentre de la contestation. Entrée le 25 avril dans la ville, l'armée a arrêté plusieurs milliers de personnes, selon des militants.

Selon al-Watan, Bachar al-Assad a rencontré samedi une délégation de jeunes syriens qui «ont évoqué les pratiques violentes de certains agents de sécurité».

«Le président Assad n'a pas démenti ces pratiques et a affirmé qu'il s'agissait de comportements individuels et que le gouvernement oeuvrait pour contenir la crise et éloigner la violence», ajoute le journal.

A Damas, l'opposant Riad Seif «a été déféré devant la justice qui l'a inculpé du crime de manifester», a déclaré Me Maatouk.

Riad Seif a affirmé au juge avoir été «frappé à la tête par les agents de sécurité» avant d'être arrêté vendredi près d'une mosquée dans le centre de Damas. Une manifestation contre le régime avait rassemblé plusieurs centaines de personnes vendredi à la sortie de cette mosquée.

Âgé de 64 ans, M. Seif a purgé une peine de deux ans et demi (janvier 2008-juillet 2010) pour avoir appelé à la démocratie dans son pays. Il avait aussi été condamné en 2001 à cinq ans de prison pour avoir voulu «changer la Constitution d'une manière illégale».

La Syrie a appris de l'Iran comment réprimer un mouvement de protestation, en recourant à la torture, a affirmé un cyberdissident syrien de premier plan dans un entretien avec l'agence de presse autrichienne APA.

«Si vous arrêtez et torturez quelqu'un, au moins dix de ses amis auront peur. C'est comme ça qu'elles (les forces de sécurité) ont procédé ces deux dernières semaines», a ajouté le militant, âgé de 28 ans, dans cet entretien téléphonique publié en allemand.