Un an après les attentats djihadistes de Paris, la France a rendu un ultime hommage dimanche aux 149 personnes fauchées par le terrorisme en cette année noire de son histoire, mais seule une poignée de Parisiens s'étaient déplacés place de la République.

Nombreux depuis un an à venir spontanément se recueillir sur cette place au coeur de la capitale d'où était partie la manifestation monstre du 11 janvier 2015, et devenue au fil des mois un mémorial à ciel ouvert, ils ont laissé cette fois la cérémonie présidée par François Hollande se dérouler sans eux.

Elle concluait une semaine d'hommages aux victimes des attentats.

Le sentiment de peur ravivé par les attentats du 13 novembre (130 morts) et l'attaque d'un commissariat jeudi par un homme armé d'un hachoir, qui a été abattu, ont peut-être joué un rôle. Et « les Parisiens ne sont pas vraiment du matin », a avancé en guise d'excuse la maire de la capitale Anne Hidalgo, les appelant à « venir nombreux allumer des bougies » sur la place dans la soirée, au moment de l'illumination d'un « chêne du souvenir ».

« C'est important que nous venions dire ''on n'a pas peur, la vie continue mais on les oublie pas'' », soulignait pourtant de son côté une Parisienne, Maissara Benhassani, qui a bravé le temps maussade et les barrages de police filtrant l'entrée sur la place.

Quelques centaines de personnes ont regardé sur grand écran le dévoilement d'une plaque « à la mémoire des victimes des attentats terroristes » par le président François Hollande, scellée au pied de l'arbre planté à une extrémité de la place.

Puis le chanteur Johnny Hallyday, tout de noir vêtu, a interprété Un dimanche de janvier, rappel de la formidable mobilisation de l'an dernier après les attaques meurtrières (17 morts) contre Charlie Hebdo et un magasin casher et l'assassinat d'une policière, quand une foule de 1,5 million de personnes et une cinquantaine de dirigeants étrangers avaient manifesté contre le terrorisme.

Le choix du chanteur populaire de 72 ans n'a pas fait l'unanimité, certains ne se privant pas de rappeler que plusieurs dessinateurs de Charlie tués par les djihadistes (Cabu, Riss ou Charb) en avaient fait leur tête de turc.

Après d'autres chants entonnés par le Choeur de l'armée française et une minute de silence, la cérémonie s'est achevée par La Marseillaise, écoutée en silence par une partie du public, reprise à mi-voix par d'autres.

« Trauma collectif »

Drapeaux, bougies, dessins, photographies, fleurs, textes manuscrits ou imprimés déposés par des anonymes ont transformé le socle de la statue de la République en mémorial continuellement renouvelé. Belkacem, un ouvrier du bâtiment de 42 ans, remarque qu'un drapeau kabyle flotte à côté de drapeaux français.

« J'ai perdu un cousin dans l'attentat de Charlie », le correcteur algérien et kabyle du journal satirique, Mustapha Orrad, confie-t-il.

Edwige, 42 ans, est venue en voisine, accompagnée de son fils de sept ans. Pour cette psychanalyste qui fréquentait quotidiennement l'un des cafés visés par les attaques du 13 novembre, « la seule réponse aux attentats, c'est la vie, c'est la joie, c'est le désir ». « Ce quartier est formidable », ajoute-t-elle, « la vie a vite repris le dessus ».

Elle raconte cependant que parmi ses patients, « pendant quelques semaines tous ne parlaient que des attentats. C'est en ce sens qu'on peut parler d'un trauma collectif ».

Depuis janvier, des militaires patrouillent les rues de Paris gardent synagogues, écoles juives ou mosquées dans tout le pays. Depuis novembre, l'état d'urgence est décrété, perquisitions et arrestations se sont multipliées.

L'état d'urgence « devait avoir lieu, mais il doit avoir une fin », estime Christophe Le Luduec, 46 ans, directeur commercial, venu place de la République, pour qui « le tout sécuritaire fait le foyer des extrêmes ».

La peur est venue gonfler les scores électoraux de l'extrême droite, et les inquiétudes sont particulièrement vives au sein de la communauté juive: l'émigration vers Israël a battu un record en 2015, avec près de 7900 départs.

Le malaise est aussi profond chez les musulmans français, visés par une recrudescence d'actes islamophobes et qui se sentent stigmatisés. Pour défendre un islam de « concorde », le Conseil français du culte musulman (CFCM) organisait ce week-end une opération portes ouvertes dans des centaines de mosquées. Après la cérémonie place de la République, François Hollande s'est rendu à la Grande Mosquée de Paris pour « un moment d'échange, de convivialité et de fraternité autour d'un thé ».

Sur la place, après les hommages officiels, quelques centaines d'anonymes sont venus distribuer des « câlins » ou encore chanter à la mémoire des victimes.

PHOTO YOAN VALAT, AP

Drapeaux, bougies, dessins, photographies, fleurs, textes manuscrits ou imprimés déposés par des anonymes ont transformé le socle de la statue de la République en mémorial continuellement renouvelé.