La Turquie a jeté un froid vendredi en qualifiant son «plan d'action» avec l'UE, annoncé en grande pompe dans la nuit par Bruxelles pour faire face à la crise migratoire, de simple «projet» au budget «inacceptable».

Dans la nuit de jeudi à vendredi, à l'issue d'un sommet des dirigeants européens à Bruxelles, la Commission européenne avait fait part de son «optimisme» en annonçant un accord avec Ankara pour endiguer ces flux.

Mais le ministre turc des Affaires étrangères Feridun Sinirlioglu a douché l'enthousiasme bruxellois. «Ce n'est pas définitif (...) c'est un projet sur lequel nous travaillons», a-t-il déclaré devant la presse, qualifiant notamment d'«inacceptable» l'aide financière proposée par l'UE.

Face aux exigences de Bruxelles - accueillir davantage de réfugiés, renforcer la surveillance des frontières -, le plan d'action prévoit la relance des discussions sur la candidature de la Turquie à l'UE, un accès facilité aux visas pour les citoyens turcs, et une aide financière.

C'est sur ce dernier point que la Turquie a tapé du poing sur la table, précisant avoir besoin d'au moins trois milliards d'euros (4,4 milliards de dollars) pour la première année.

Les chefs d'États et de gouvernements européens se sont bien gardés de fixer le montant qu'ils sont prêts à verser, se contentant d'évoquer «de nouveaux financements, substantiels et concrets», lors du sommet de jeudi à Bruxelles.

Ces dernières semaines, l'exécutif européen avait proposé à Ankara un montant d'environ un milliard d'euros (1,47 milliard de dollars), en redirigeant vers l'aide aux réfugiés des fonds déjà envisagés pour la Turquie, dans le cadre d'autres partenariats.

Mais le chiffre de trois milliards a ensuite été évoqué, présenté par des sources européennes comme le montant minimal réclamé par Ankara.

Merkel ouverte à une concession à la Turquie

La chancelière allemande Angela Merkel s'est montrée ouverte vendredi à une concession à la Turquie qui souhaite être considérée comme un «pays sûr» par les Européens, en échange de l'aide d'Ankara pour tenter de stopper l'arrivée de réfugiés.

«Bien évidemment le respect des droits de l'homme ou la situation des Kurdes continuent de nous préoccuper, mais je considère comme faux le fait de refuser sur le fond ce statut à la Turquie», a jugé la dirigeante dans un entretien à la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) diffusé vendredi.

La Turquie est un pays candidat à l'Union européenne et en tant que tel le seul qui n'a pas le statut de pays sûr», a également relevé la chancelière qui se rend dimanche à Istanbul pour s'entretenir avec les dirigeants turcs de la situation des réfugiés.

La Turquie est devenue la porte d'entrée pour des centaines de milliers de migrants qui veulent ensuite pour beaucoup rejoindre l'Allemagne.

Si les détails les plus sensibles de l'accord avec Ankara restent à négocier, les Européens ont ouvert la perspective d'un processus plus rapide que prévu pour faciliter l'attribution de visas aux Turcs voyageant dans l'UE.

Ankara veut aussi «ouvrir de nouveaux chapitres» dans les négociations d'adhésion à l'UE et être considéré comme un «pays sûr» (dont les ressortissants ne peuvent a priori pas être considérés comme des réfugiés) par les Européens.

Mais, selon un diplomate européen, la «libéralisation des visas» provoque «des sueurs froides dans certains États membres».

L'Allemagne est opposée à l'adhésion de la Turquie à l'UE, un motif de frictions avec les autorités turques.