Dans les rues comme dans les partis de l'opposition, la pression exercée sur le premier ministre Stephen Harper a monté d'un cran, hier, quand des centaines de citoyens ont exigé un plan d'action clair du gouvernement afin qu'il en fasse davantage pour calmer la crise des migrants.

À Montréal, plusieurs centaines de personnes se sont donné rendez-vous à la place Norman-Bethune - nommée en l'honneur du médecin humaniste canadien mort à la fin des années 30 - pour diffuser, encore, la photo d'Aylan Kurdi, cet enfant de 3 ans trouvé mort en début de semaine sur une plage turque.

« C'est comme ça, malheureusement, que le monde marche. Parfois, on a besoin de ces images pour déclencher des réactions », a déclaré Jaggi Singh, militant anarchiste et membre de Réfugiés sans frontières, qui organisait le rassemblement.

« Chaque personne qui voit la photo - et ce n'est pas une question d'idéologie - va pleurer », a-t-il ajouté, pendant que la marche se mettait en branle dans la rue Sainte-Catherine Ouest.

Si elle n'est pas idéologique, la question est certainement politique. À la marche, le candidat néo-démocrate Alexandre Boulerice a résumé le « plan accéléré » de son parti pour venir en aide aux quatre millions de réfugiés syriens.

Le Nouveau Parti démocrate a ainsi proposé en matinée d'accueillir 46 000 réfugiés parrainés par le gouvernement d'ici 2019, dont 10 000 d'ici la fin de l'année. Le parti chiffre ses propositions à près de 140 millions de dollars.

Au Parti libéral, le candidat Marc Garneau a plutôt formulé une promesse électorale, voulant qu'un éventuel gouvernement libéral verse 100 millions aux Nations unies. Le parti a aussi promis d'accueillir 25 000 réfugiés.

Malgré les appels à passer à l'action, et rapidement, le Parti conservateur n'a pas abordé la question hier. C'est donc dire que les troupes de Stephen Harper maintiennent leur plan actuel, qui consiste à accueillir 10 000 réfugiés syriens supplémentaires au cours des quatre prochaines années.

« Dix mille, c'est une insulte à l'intelligence de tout le monde, a répliqué Jaggi Singh. On parle de 4 millions de réfugiés. Quatre millions ! Pensez aux Vietnamiens, aux Kosovars, aux Hongrois [que le Canada a déjà accueillis]. On peut en prendre beaucoup plus », a-t-il plaidé.

Rassemblements à Québec et Ottawa

Sa consoeur de Réfugiés sans frontières, Rosalind Wong, a dit de la question des migrants que tout était affaire de volonté politique. « Si nous pouvons nous permettre d'envoyer des bombes et de soutenir des interventions militaires, alors nous pouvons certainement rapatrier des gens ici, le plus rapidement possible, sans tous ces délais bureaucratiques », a-t-elle lancé à une foule engagée. « Le but, ce n'est pas d'accepter des réfugiés, c'est qu'ils vivent chez eux, en paix », a quant à lui souligné l'avocat et militant pour les droits des Kurdes Huseyin Akyol.

Face au recul du Canada dans les rangs des pays receveurs de demandeurs d'asile (le pays est passé du 5e au 15e rang mondial de 2010 à 2014), des manifestants de Québec et d'Ottawa ont uni leurs voix à celles des Montréalais pour exiger un assouplissement des règles d'accueil des réfugiés.

Une cinquantaine de personnes ont défilé dans les rues du Vieux-Québec, tandis que quelques centaines ont fait la même chose dans la capitale canadienne.

Au total, 13 450 demandeurs d'asile ont cogné aux portes du Canada en 2014 ; 2374 réfugiés syriens ont été admis au pays dans la même année. « On ne veut pas quitter nos pays. On le fait parce qu'on est forcés, parce que des pays riches créent des guerres », a tenu à déclarer la réfugiée iranienne Shahrzad Arshadi, arrivée au pays en 1983, avant de fondre en larmes.

Cérémonie à la mémoire des membres de la famille Kurdi

Plus de 200 personnes se sont rassemblées hier dans une salle de théâtre de Vancouver pleine à craquer pour prendre part à une cérémonie à la mémoire des membres de la famille Kurdi, ces migrants syriens morts noyés cette semaine en Turquie. 

Les proches de la famille Kurdi, auxquels s'étaient jointes d'autres personnes, se sont réunis dans la salle remplie de ballons blancs, de roses et de photos du petit Aylan, âgé de 3 ans, de son frère Galip, 5 ans, et de leur mère, Rehan.

La tante des jeunes garçons, Teema Kurdi, qui habite Coquitlam, en Colombie-Britannique, enlaçait les membres de sa famille qui prenaient part à l'événement pendant qu'un diaporama présentant les photos des disparus était projeté sur le mur principal de la salle.

La publication de la photographie du petit Aylan, gisant face contre sable sur une plage de la Turquie, a suscité l'indignation internationale. Mme Kurdi a déclaré à la cérémonie qu'en voyant l'image, elle avait tout de suite eu l'impression qu'il s'agissait de son neveu. Quelques heures plus tard, un appel devait confirmer ses pires craintes.

- Avec La Presse Canadienne

CE QUE LES PARTIS PROPOSENT

PCC

Accueillir 10 000 réfugiés au cours des quatre prochaines années (promesse électorale).

Accueillir 10 000 Syriens au cours des trois prochaines années. Annoncé en début d'année, ce nombre s'ajoutait à celui de 1300, déjà promis par le parti.

Poursuivre le combat contre le groupe armé État islamique, où sont engagés les militaires canadiens jusqu'au 30 mars 2016.

NPD

Accueillir 10 000 réfugiés syriens d'ici la fin de l'année, 46 000 d'ici 2019.

Nommer un coordonnateur à l'aide gouvernementale afin de faciliter l'entrée des réfugiés.

Accélérer le traitement des demandes d'asile pour les réfugiés parrainés par le privé, fournir des soins de santé et délivrer des permis de résidence temporaire pour les Syriens voulant s'établir au Canada avec leur famille.

PLC

Accueillir immédiatement 25 000 réfugiés syriens.

Investir 100 000 $ afin d'accélérer le traitement des demandes d'asile.

Verser 100 millions à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés afin de soutenir les activités de secours en Syrie et dans les environs.

BQ

Mettre en place une trêve électorale afin que les partis « parlent d'une même voix ».

Accueillir immédiatement 10 000 réfugiés.