Plusieurs évêques anglicans viennent de claquer la porte de l'Église d'Angleterre. Ils disent vouloir quitter le Titanic avant qu'il ne coule. La raison? Des femmes deviendront évêques en 2014. Pour l'heure, les apostats se réfugient dans le giron du pape Benoît XVI, mais la question des femmes pourrait bien les rattraper, raconte notre journaliste.

Il y avait foule sous les voûtes néogothiques de l'église londonienne Christ The King, le 20 novembre dernier. Des centaines de paroissiens aux cheveux grisonnants s'inclinaient devant la mitre blanche et dorée que John Broadhurst portait pour la dernière fois.

Ses adieux ont été allégés par des touches d'humour. «Je ne prends pas ma retraite, je démissionne, a dit l'évêque. Dans mon quartier, nous devons recycler les vieilleries. C'est ce que je fais: je me recycle.»

Figure de proue de l'opposition à l'ordination des femmes, John Broadhurst renie son titre d'évêque de Fulham. Quatre autres évêques et cinquante prêtres anglicans ont annoncé leur départ au début du mois dernier.

Benoît XVI les prendra sous son aile au mois de janvier. En 2009, il a créé une structure d'accueil pour les anglicans qui s'opposent au virage libéral de leur Église. Il avait alors expliqué qu'il répondait à leurs «appels répétés et insistants».

John Broadhurst, qui deviendra prêtre catholique, est pressenti pour diriger le nouvel ordinariat, un diocèse destiné aux anciens anglicans. Le fait qu'il soit marié et père de famille ne pose aucun problème à Benoît XVI, assure-t-il.

«Il existe déjà des prêtres catholiques mariés», explique le prélat.

«Le pape nous a tendu la main et nous ne pouvions la refuser, poursuit-il. De toute façon, l'Église d'Angleterre ne nous a pas donné le choix de partir.»

Femmes évêques en 2014

Le contentieux entre libéraux et conservateurs s'envenime depuis la montée des femmes dans la hiérarchie anglicane. Elles portent la soutane depuis 1994 en Angleterre. Aujourd'hui, 50% des candidats à la prêtrise sont des femmes.

Elles pourraient porter la mitre dès 2014. En juillet dernier, l'Église a fait un pas décisif en ce sens. Un vote doit avoir lieu en 2012, mais les conservateurs, qui représentent environ 20% du clergé, s'avouent déjà vaincus.

Ils ont demandé des restrictions sur l'autorité des futures évêques, ce qui a été refusé.

Pour John Broadhurst, c'est un affront de trop. «L'Église d'Angleterre nous a montré la porte avec méchanceté», dit-il. Dans les médias, il compare l'archevêque anglican de Cantorbéry au capitaine du Titanic.

En 1992, l'influent évêque a fondé Forward in Faith, une organisation qui s'oppose à l'ordination des femmes et qui compte 8000 membres. Ils étaient nombreux à sa dernière messe.

«Nous allons nous convertir, comme lui», dit John Worley, qui portait une écharpe souvenir de la visite de Benoît XVI à Londres, en août dernier.

Des femmes au Vatican?

Malgré l'apostasie des évêques et de leurs ouailles, il n'y aura pas d'exode, assure le théologien John Milbank à La Presse.

«Ce mouvement est marginal. Seulement 3% des paroisses s'étaient dispensées des femmes prêtres en 1994», rappelle le directeur du département de théologie de l'Université de Nottingham.

Par ailleurs, l'Église catholique n'apportera pas un long répit aux traditionalistes, car le Vatican consacrera à son tour des femmes, soutient le professeur.

«Les catholiques en faveur des femmes prêtres constituent la majorité silencieuse, dit John Milbank. Le pape est aussi plus libéral qu'il n'y paraît: il a serré la main d'une femme prêtre lors de son séjour à Londres. Il faudra peut-être attendre un demi-siècle, mais cela viendra.»