Le scénario se répète cruellement depuis quatre jours: pagaille au sol, néant dans le ciel. L'Europe est frappée par la pire crise aérienne de son histoire. Ce ne sont pas seulement les passagers qui sont à bout de nerfs: des compagnies aériennes exigent la reprise des vols. Le volcan islandais menace de mettre l'Europe à genoux pendant des semaines. Les conséquences économiques et humaines s'annoncent désastreuses.

Le sort continue de s'acharner sur l'Europe. Les transporteurs ont connu leur pire journée hier depuis l'éruption du volcan islandais, avec l'annulation de 21 000 vols, soit 84% du trafic normal. Ailleurs dans le monde, des centaines de milliers de voyageurs étaient toujours bloqués.

 

L'espace aérien de 24 pays européens a été fermé, dont ceux de la Grande-Bretagne, de la Pologne et de la France. Le nord du Portugal, de l'Espagne et de l'Italie a aussi été touché.

La Grande-Bretagne a maintenu l'interdiction de vol jusqu'à ce soir. En France, les aéroports parisiens resteront fermés jusqu'à demain.

Les dirigeants européens ont mis sur pied des cellules de crise pour venir en aide à leurs ressortissants. Une vidéoconférence d'urgence entre les ministres européens des Transports aura lieu aujourd'hui.

La nuée de poussière volcanique pourrait continuer à survoler l'Europe jusqu'à la fin de cette semaine, selon les observations d'hier.

Des voyageurs désespérés ont pris d'assaut les voies terrestres et maritimes. Les trains Eurostar ont accueilli 50 000 passagers de plus depuis jeudi.

Les obsèques du président polonais Lech Kaczynski se sont déroulées hier en l'absence de plusieurs dirigeants internationaux, à Cracovie. Barack Obama, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Stephen Harper et le prince Charles font partie des dignitaires qui n'ont pu se déplacer.

D'autres ont bravé l'interdiction de voler, notamment le président russe, Dmitri Medvedev, et des chefs d'État de l'ancien bloc communiste.

Un vent d'optimisme a soufflé hier soir sur le continent: la présidence de l'Union européenne a déclaré que la moitié des 28 000 vols prévus aujourd'hui pourraient avoir lieu.

Transport d'organes au ralenti

Les graves répercussions de la crise aérienne sont vastes.

Même le transport d'organes et de patients en situation critique est touché. Le directeur de la société britannique affrétée FlyMeNow, Andrew Whitney, a affirmé au Times que ses avions ne pouvaient répondre aux requêtes médicales urgentes.

Pas moins de 16 greffes de moelle osseuse ont été reportées en Grande-Bretagne, a indiqué la BBC.

La livraison d'organes est aussi au ralenti en Allemagne. «Les coeurs, les poumons et les foies, normalement transportés par avion, sont pour le moment distribués par des moyens de transport terrestres», a expliqué au Figaro Nadine Koerner, porte-parole de la Fondation allemande pour la greffe d'organes.

Les contrecoups se sont fait sentir jusqu'en Afghanistan, où des soldats blessés de l'OTAN n'ont pas pu regagner leur pays pour se faire soigner. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne envisageaient des routes alternatives pour les rapatrier.

Pénurie de nourriture

Les fruits et légumes exotiques commenceront à se faire rares dès cette semaine, a prévenu l'Association britannique de transport de fret. «Nous prévoyons des pénuries de nourriture. La situation ne reviendra pas à la normale avant deux semaines», a dit Jo Tanner, porte-parole de l'Association.

Les pertes pour les fournisseurs sont phénoménales. Au Kenya seulement, 400 tonnes de fleurs destinées au marché européen ont été détruites au cours du week-end. Les fermes kényanes ont renvoyé 5000 ouvriers depuis le début de la crise.

De plus, des manifestations sportives et culturelles ont été annulées en masse partout sur le continent.

Bien sûr, l'industrie du voyage est la plus durement frappée par la crise, avec 1,5 milliard de dollars de pertes depuis jeudi dernier, selon la firme de gestion de crise Lewis PR.

Mesures justifiées?

D'ailleurs, des compagnies aériennes ont commencé à faire pression pour que l'espace aérien soit rouvert. Les transporteurs KLM, Lufthansa, Air France et British Airways ont tous fait des vols d'essai sans rencontrer de problèmes.

«Nous n'avons observé aucune irrégularité, a expliqué le directeur de KLM, Peter Hartman, qui était à bord du vol d'évaluation aux Pays-Bas. Nous voulons reprendre nos activités le plus rapidement possible.»

Dix avions Lufthansa allemands ont également fait le trajet Munich-Francfort sans être endommagés.

La grogne qui couve a forcé l'agence de contrôle du trafic aérien, Eurocontrol, à justifier ses mesures d'urgence. «Nous suivons les consignes bien établies voulant que le contact d'un avion avec la poussière volcanique peut avoir des conséquences désastreuses», s'est défendu le directeur de l'exploitation, Brian Flynn.

La réunion d'urgence des ministres européens des transports, aujourd'hui, pourrait aider à déterminer des couloirs sécuritaires dans le ciel de l'Europe.

En Islande, des géologues ont observé une augmentation de l'intensité de l'activité du volcan, dont le panache s'élève à 8000 m. Les vents au-dessus de l'île de Feu continueront à souffler vers l'Europe au moins jusqu'à mercredi, croient les météorologues.