(Madrid) L’opposant cubain Yunior Garcia, principal organisateur d’une manifestation ayant tourné court lundi à La Havane après de nombreuses arrestations, a reconnu jeudi que son départ en Espagne, où il est arrivé mercredi, était un « coup dur » pour la dissidence.

« Je le sais bien, je le conçois, c’est un coup dur » pour l’opposition cubaine, a admis, lors de sa première conférence de presse à Madrid, le dramaturge de 39 ans à l’air juvénile, qui a assuré avoir pour intention de revenir à Cuba.

« Mais je suis convaincu que cette douleur » et « cette déception » causée par son départ au sein de l’opposition « va s’en aller », a ajouté Garcia.

Le dissident a indiqué qu’il parviendrait de son côté « à (se) pardonner de n’avoir pas eu le courage » d’être resté et a « demandé pardon d’être humain, de penser à ma femme et à ma vie, et de m’être échappé » pour éviter de devenir « un mort-vivant, car c’est ce qui m’attendait à Cuba ».

« En aucun cas, je ne vais renoncer ni me rendre », a-t-il assuré, ajoutant qu’il n’allait pas demander l’asile en Espagne et qu’il comptait revenir à Cuba lorsque sa vie et celle de son épouse « ne seront plus menacées ».

Selon Yunior Garcia, les Cubains ne peuvent pas « continuer à être des esclaves » mais ne doivent pas non plus « accéder à la liberté au prix […] de centaines voire de milliers de vies ».

« La seule manière d’éviter les deux est que la communauté internationale arrête de détourner le regard, arrête d’ignorer ce qui se passe à Cuba […] Il faut arrêter de voir (l’île) avec le romantisme des années 1960 et reconnaître ce qu’est devenue ce qui était alors une révolution », a dénoncé l’opposant.

« Tyrannie brutale »

« C’est devenu un mari violent frappant sa femme », a-t-il lancé en qualifiant le régime cubain de « tyrannie brutale ».

L’Espagne lui a accordé un visa « pour qu’il n’ait pas de problèmes à Cuba », a expliqué jeudi le ministre espagnol de la Présidence, Félix Bolaños, dans un entretien à la radio Onda Cero.

Depuis fin 2020, Yunior Garcia, connu pour ses pièces de théâtre et ses scénarios pour la télévision et le cinéma, est devenu une figure du mouvement de protestation qui réclame plus de liberté d’expression à Cuba.  

En juillet, lorsque l’île a été secouée par de vastes manifestations spontanées, inédites depuis la révolution de 1959, il avait été brièvement arrêté.

Le créateur du groupe Facebook de débat politique « Archipiélago » avait lancé un appel à manifester le 15 novembre à La Havane afin de réclamer la libération des prisonniers politiques cubains.  

Cette manifestation, interdite par les autorités, a tourné court en raison d’une forte présence policière et de l’arrestation de meneurs de la dissidence cubaine.

Yunior Garcia avait annoncé la semaine dernière son intention de défiler seul dimanche dans la capitale cubaine, une rose à la main. Mais il avait été empêché de sortir de chez lui par les forces de l’ordre qui avaient par ailleurs coupé ses lignes téléphoniques.

Dénonçant le harcèlement des autorités, Garcia a également affirmé avoir retrouvé devant la porte de son domicile deux pigeons décapités.  

Le dramaturge n’avait plus donné de nouvelles depuis dimanche, suscitant l’inquiétude de son entourage et de ses soutiens, jusqu’à son arrivée en Espagne mercredi.