Six jours après l’assassinat du président Jovenel Moïse, la police haïtienne a diffusé des avis de recherche mardi contre trois nouveaux suspects : un ancien sénateur, un homme d’affaires et un ex-fonctionnaire soupçonnés d’assassinat et considérés comme « armés et dangereux », sans qu’on sache le rôle qui leur est attribué. Portrait des personnes mises en cause jusqu’ici par une enquête dans laquelle subsistent d’importantes zones d’ombre.

John Joël Joseph (recherché)

SAISIE D’ÉCRAN TIRÉE DE YOUTUBE

John Joël Joseph

Anciennement sénateur, il fut membre de la formation politique de l’ex-président René Préval.

Des câbles diplomatiques américains rédigés en 2009 et rendus publics par l’organisme WikiLeaks faisaient état de soupçons quant à ses liens avec des groupes criminels. Un diplomate américain racontait, par exemple, que ses collègues avaient insisté pour qu’il sorte remiser son arme personnelle dans sa voiture pendant une séance du Sénat.

« Joseph est largement suspecté d’avoir été impliqué dans des kidnappings, alors personne n’était surpris qu’il soit armé », précisait la missive.

« Ses détracteurs le décrivent comme une brute semi-analphabète, sans réel intérêt ou expérience en matière de politiques publiques, et il est crédiblement soupçonné d’être lié à des kidnappings », lisait-on dans un autre câble diplomatique.

Joseph Félix Badio (recherché)

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Joseph Félix Badio

Il a fait une carrière de plusieurs années au sein du ministère de la Justice et était jusqu’en mai dernier employé de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC).

L’organisme a confirmé à La Presse l’avoir congédié le 17 mai « en raison de manquements graves aux règles déontologiques ». Le quotidien haïtien Le Nouvelliste, qui a obtenu sa lettre de congédiement, affirme qu’on lui reprochait d’avoir tenté de soutirer 30 000 $ US à une personne détenue au pénitencier national.

En confirmant le congédiement de M. Badio, l’ULCC a pris soin de condamner l’assassinat du président. « Cet acte crapuleux est un affront à notre démocratie et à l’État de droit en Haïti. Les auteurs, coauteurs, complices doivent être traqués, recherchés et punis avec la dernière rigueur », affirme l’organisme.

Rodolphe Jaar, alias « Whiskey » (recherché)

PHOTO FOURNIE PAR LA DNCD

Rodolphe Jaar

Issu d’une riche famille de commerçants de la région de Port-au-Prince, il avait été arrêté en 2013 dans le cadre d’une enquête de la Drug Enforcement Administration (DEA), agence antidrogue américaine.

Selon le dossier de cour consulté par La Presse, le citoyen haïtien diplômé en administration des affaires était accusé d’avoir participé à un complot pour faire entrer aux États-Unis 425 kg de cocaïne.

La drogue était partie de Colombie ou du Venezuela et avait transité par une piste d’atterrissage clandestine en Haïti, à destination de la Floride. Le procureur fédéral américain avait souligné à la juge que Jaar avait retourné sa veste et accepté de collaborer avec les enquêteurs américains pendant que la drogue était en mouvement, ce qui avait permis de saisir la moitié du chargement et de procéder à l’arrestation d’un policier haïtien corrompu.

Il avait écopé d’une peine réduite de 46 mois de prison, grâce à sa collaboration avec la justice.

Joseph Gertrand Vincent (arrêté)

PHOTO JOSEPH ODELYN, ASSOCIATED PRESS

James Solages (à gauche) et Joseph Vincent (à droite)

Il est l’un des deux Haïtiano-Américains installés en Floride et arrêtés dans les heures qui ont suivi la mort du président, en même temps que plusieurs mercenaires colombiens.

La DEA a confirmé à plusieurs médias américains qu’il avait déjà travaillé comme informateur pour l’agence américaine. Selon le quotidien Miami Herald, il aurait aidé à faire arrêter Guy Philippe, chef rebelle qui avait mené un soulèvement armé contre l’ex-président Jean-Bertrand Aristide et qui purge aujourd’hui une peine de prison aux États-Unis pour trafic de drogue.

Vincent aurait joint son contrôleur à la DEA après la mort du président, et ce dernier l’aurait incité à se rendre à la police. Notons que, selon la police haïtienne, les assaillants ont crié « DEA ! » en anglais à leur arrivée à la résidence présidentielle, pour faire croire à une opération officielle des autorités américaines.

James Solages (arrêté)

Originaire d’Haïti et résidant de Floride, il a travaillé brièvement comme garde du corps de relève à l’ambassade du Canada à Port-au-Prince en 2010. Depuis, il se décrit comme « consultant ». Il a été arrêté en même temps que les présumés mercenaires et son compagnon Joseph Gertrand Vincent.

Christian Emmanuel Sanon (arrêté)

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Christian Emmanuel Sanon

Il a été présenté par la police comme celui qui a embauché le commando de mercenaires colombiens. Il se faisait appeler « docteur » et partageait son temps entre Haïti et la Floride, sans cacher depuis des années ses ambitions politiques. Il avait cofondé un organisme québécois d’aide internationale avec plusieurs partenaires du Grand Montréal, afin de développer un projet d’université et d’hôpital, sans succès.

Une source a confié au Miami Herald que certains participants à la mission croyaient que le but était d’arrêter le président Moïse et d’installer M. Sanon à sa place. Un professeur d’université de Port-au-Prince qui l’avait rencontré en juin a déclaré au New York Times que M. Sanon semblait « un peu fou » et parlait de remplacer le français par l’anglais comme langue officielle d’Haïti, aux côtés du créole.

Dimitri Herard (personne d’intérêt)

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Dimitri Herard

Il est le chef de la sécurité du défunt président Jovenel Moïse. En Haïti, plusieurs commentateurs et anciens responsables politiques se questionnent sur la facilité avec laquelle les assaillants ont pu avoir accès au président. La police colombienne a d’ailleurs dit enquêter sur plusieurs voyages effectués en Colombie depuis le début de l’année par M. Herard. C’est de Colombie que venaient la plupart des membres du commando interceptés par la police haïtienne.

Antonio Intriago (personne d’intérêt)

Originaire du Venezuela, il dirige en Floride l’entreprise CTU Security (pour Counter Terrorist Unit Federal Academy). C’est à travers son entreprise que Christian Emmanuel Sanon aurait recruté des mercenaires, selon les autorités haïtiennes. Il ne s’est pas exprimé depuis la mort du président.