(Petit-Bourg) À Petit-Bourg, en Guadeloupe, 80 maisons menacent de s’effondrer avec l’érosion côtière. « J’avais une douzaine de locataires qui ont dû être relogés », témoigne André Vilovar, propriétaire d’un immeuble en équilibre sur une falaise en partie effondrée après de grosses intempéries en novembre.

Au total, « 43 familles du quartier doivent évacuer d’urgence », explique David Nebor, adjoint au maire chargé de ce dossier qui pourrait servir de référence aux autres territoires ultramarins touchés par le dérèglement climatique.  

L’urgence dure depuis plusieurs années, mais les pluies diluviennes de novembre en Guadeloupe où près de 200 ml sont tombés en quelques heures, ont encore amplifié le problème après l’effondrement d’un pan de falaise. « Depuis ces intempéries, la gravité de la situation a été perçue par les habitants, certains ont accepté d’être relogés », précise l’élu.

Selon Ywenn de la Torre, le directeur du bureau de recherches géologiques et minière (BRGM), « l’activité anthropique [humaine, NDLR] a fortement accéléré le recul naturel du trait de côte en Guadeloupe ». Entre 1950 et 2013, les plages du Sud Grande Terre, ont reculé d’un à sept mètres par an, selon une étude de l’Observatoire régional Énergie-climat de 2019, et certaines falaises reculent régulièrement.  

PHOTO CEDRICK ISHAM CALVADOS, AGENCE FRANCE-PRESSE

« La côte qui s’érode sans présence humaine, c’est naturel », souligne Ywenn de la Torre qui note aussi que sur certains sites, « le littoral avance. Mais si cet espace est utilisé par les humains, cela change la donne » et peu s’avérer dangereux. Comme à Sainte-Anne, Pointe-Noire ou Capesterre-Belle-Eau, où plusieurs habitations sont en première ligne.

En Guadeloupe, selon les modélisations du BRGM, le niveau de la mer pourrait monter jusqu’à 1,4 m d’ici à 2100. « Il est probable que ça soit un peu moins. Mais cela se traduit par de l’érosion côtière, des risques de submersions marines et des conséquences sur l’habitat privé et l’activité économique », précise ce responsable.

« Le premier glissement, c’était après Lenny », un cyclone de 1999, se souvient André Vilovar, qui a aussi dû délocaliser son épicerie. Dans la rue, de nouveaux arrêtés municipaux d’interdiction d’habiter ont été pris. Un ouvrier mure les ouvertures des petites cases en béton dont les habitants ont été relogés, « pour éviter les squatteurs ».

Cas d’école

Dans le quartier, on se souvient aussi qu’il y a 15 ans, on pouvait aller à la plage à pied. Désormais les arbres sur la falaise tombent au rythme de sa disparition. Comme les autres, Daniel Sainte-Luce a vu la terre reculer et bientôt son poulailler sera au-dessus du précipice. « Ma maison a un peu de marge, sourit-il, je ne suis pas obligé d’évacuer ».

À Petit-Bourg, la situation fait cas d’école. « Ces maisons sont installées sur la bande des “ 50 pas géométriques ”, un espace littoral qui appartient à l’État », rappelle Myriam Roch-Bergopsom, directrice de l’agence qui gère cette bande côtière d’environ 80 mètres de large, dont la délimitation date de l’Ancien régime et sur laquelle sont installées de nombreuses personnes, « sans droit, ni titre ».

Or, la régularisation des titres de propriété n’est pas possible puisque « le plan de prévention des risques naturels a classé la zone en rouge avec une mise en danger de la vie humaine, imminente, et des interdictions d’habiter », expliquent les services de l’État.  

« Ici, nous avons des propriétaires sans titres, d’autres avec, de l’indivision, des locataires, une population défavorisée, parfois sans papier, des personnes âgées, des enfants, des activités économiques… », rappelle le sous-préfet David Percheron. La solution ? Selon l’ensemble des gestionnaires, on est sur de la formule « cousue main », tant pour le financement du relogement, ailleurs dans la commune, que pour les outils juridiques mobilisés.

« Personne ne veut vraiment partir », soulignent des habitants, attachés à leur vie de quartier. Des rumeurs [fausses] circulent même autour de l’installation d’une marina, de bars et d’hôtels sur ces lieux menacées. Pour les gestionnaires de la situation, « si on réussit ici, on gérera le reste du littoral habité de Guadeloupe ».