La justice pakistanaise a rendu vendredi sa liberté au père de la bombe atomique du Pakistan, Abdul Qadeer Khan, qui vivait depuis cinq ans en résidence surveillée pour s'être livré à des activités de prolifération nucléaire, une décision critiquée par Washington et Paris.

«Le demandeur (Khan) est déclaré citoyen libre», a ordonné un arrêt de la Haute cour d'Islamabad.

Le scientifique, 72 ans, a aussitôt remercié le président Asif Ali Zardari et le Premier ministre Yousuf Raza Gilani, depuis sa résidence au coeur de la capitale pakistanaise.

«Je remercie la Nation tout entière pour s'être tenue à mes côtés en ces temps difficiles», a dit à l'AFP celui que ses thuriféraires considèrent comme un «héros national» pour avoir hissé le Pakistan au rang d'unique puissance nucléaire militaire du monde musulman depuis ses essais de mai 1998.

Plaisantant avec des journalistes et déambulant devant sa villa cossue, M. Khan a assuré pouvoir dorénavant «se rendre n'importe où au Pakistan, sans aucune restriction, entouré des mesures de sécurité dont je disposais précédemment».

«Si je veux voyager à l'étranger, il me faudra la permission du gouvernement», a-t-il précisé.

Au Pakistan, sa remise en liberté «sera saluée car même si les gens pensent qu'il a vendu de la technologie nucléaire, il n'a pas pu le faire sans le consentement des autorités de l'époque», a expliqué à l'AFP l'analyste Talat Masood.

«Mais les pressions internationales vont recommencer pour que le gouvernement le garde sous surveillance», a-t-il prévenu.

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, s'est déclarée «très préoccupée» par cette décision. «Je suis très préoccupée et nous en dirons plus ultérieurement», a-t-elle déclaré.

Auparavant, le département d'Etat américain avait jugé cette décision «fâcheuse».

La France s'est déclarée «un peu préoccupée» et a dit «espérer que les activités de prolifération de M. Khan et de son réseau dans le passé sont absolument terminées».

bM. Khan était en résidence surveillée depuis février 2004, lorsqu'il avait admis à la télévision avoir mené des activités de prolifération nucléaire en vendant dans les années 1990 la technologie pakistanaise à la Libye, l'Iran et la Corée du Nord.

Il était cependant ensuite revenu sur ses déclarations.

Devant la presse, M. Khan, opéré pour un cancer en 2006, a assuré qu'il ne craignait rien pour sa vie: «Personne ne voudrait me faire de mal».

Face au président de la Haute cour, le juge Sardar Mohammad Aslam, les avocats de A.Q. Khan avaient fait valoir que leur client «n'était impliqué dans aucune activité criminelle, notamment dans une prétendue prolifération nucléaire», selon l'arrêt.

Mais les conditions de son élargissement n'ont pas été rendues publiques.

En juillet, le juge Aslam avait autorisé le scientifique à rendre visite à ses proches au Pakistan, mais lui avait interdit de s'exprimer dans la presse sur son dossier judiciaire.

Il avait obtenu en 2004 le pardon de l'ancien président pakistanais Pervez Musharraf, mais restait confiné dans sa maison --autant surveillé que protégé-- par des soldats et des agents secrets.