La décroissance démographique du Japon s’est poursuivie à un rythme inquiétant au cours de l’année 2022, alors que le pays a enregistré à peine 771 000 naissances contre 1,5 million de morts. Il y a donc eu deux fois plus de décès que de naissances au pays du Soleil levant.

Ce qu’il faut savoir

Le nombre d’habitants de nationalité japonaise au Japon était en baisse de 800 500 eu 1er janvier 2023 par rapport à l’année précédente.

Le pays « est sur le point d’être incapable de maintenir ses fonctions sociales », craint son premier ministre.

L’immigration a longtemps été considérée comme « dangereuse pour la culture japonaise » dans le pays du Soleil levant.

Non seulement cela porte-t-il à 14 le nombre d’années consécutives où la population du pays a décru, mais cette fois, des baisses ont été enregistrées dans l’entièreté des 47 préfectures du pays.

Selon une projection de Statista, la population japonaise (immigration y compris) passera de 126,5 à 121,5 millions de personnes dans la décennie 2018-2028. Au 1er janvier 2023, on comptait 122,4 millions de Japonais dans le pays.

Cette décroissance s’accompagne, sans surprise, d’une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, mais aussi d’une grande difficulté pour les institutions à offrir l’aide aux aînés, dont le nombre croît sans cesse.

Le premier ministre du pays, Fumio Kishida, a lui-même fait ce constat en déclarant récemment que le pays « est sur le point d’être incapable de maintenir ses fonctions sociales » et qu’il « ne peut tout simplement pas attendre plus longtemps pour résoudre le problème de son faible taux de natalité ».

Selon Bernard Bernier, professeur titulaire au département d’anthropologie de l’Université de Montréal, le Japon connaît, comme le Québec, une pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs des services aux aînés et dans le système hospitalier.

Le Japon commence aussi à manquer d’ouvriers qualifiés pour travailler dans les usines automatisées.

Bernard Bernier, professeur titulaire au département d’anthropologie de l’Université de Montréal

Selon M. Bernier, qui a consacré une bonne partie de sa carrière à étudier le Japon, le taux de natalité baisse « depuis 30, 40 ans » dans ce pays où les gouvernements successifs ont été allergiques à l’immigration.

« Les gouvernements, depuis longtemps, ont fait de la propagande pour ne pas augmenter l’immigration, dit-il. Ils considéraient que c’était dangereux pour la culture japonaise. Mais depuis quelques années, sous les premiers ministres Abe et Kishida, il y a eu une hausse de l’immigration temporaire et même la possibilité de séjours permanents, avec un permis spécial ou en prenant la nationalité japonaise, ce qui a été longtemps impossible. »

De fait, on compte actuellement 3 millions d’immigrants au Japon. Les immigrants asiatiques (Viêtnam, Philippines) travaillent surtout dans les domaines des soins de santé, estime M. Bernier. « Pour ce qui est des spécialistes en sciences, technologies et autres, on préfère encore les Canadiens, les Américains et les Européens de l’Ouest, ajoute-t-il. Mais de plus en plus de gens qualifiés viennent de l’Inde et même de la Chine. »

Le Japon avait-il raison de craindre que l’immigration menace sa culture ? Peut-être partiellement, mais sûrement pas entièrement, répond M. Bernier.

La culture change, mais ne disparaîtra pas. Le système d’éducation est bien rodé et c’est le moyen le plus efficace pour transmettre la culture japonaise.

Bernard Bernier, professeur titulaire au département d’anthropologie de l’Université de Montréal

De plus, il y a beaucoup de similitudes entre les cultures japonaise, coréenne et chinoise, fondées sur une morale commune venant du confucianisme. « Si on accueille des gens de ces pays-là, la culture ne sera pas vraiment remise en question », estime le spécialiste.

Disparités hommes-femmes

Devant un taux de fécondité très bas (1,25 enfant par femme en 2022), le gouvernement japonais a annoncé le 1er juin l’adoption d’un plan de 25 milliards de dollars en aides financières pour les familles dans l’espoir de renverser la tendance.

Or, un des secteurs où il reste beaucoup de travail à faire est celui des disparités hommes-femmes en matière d’emploi. Une étude du Fonds monétaire international (FMI) citée par France Inter indique que le Japon occupe le 125e rang sur 146 pays en matière d’égalité. Avec pour résultat des mariages tardifs et un taux de célibat qui augmente, car les femmes aspirent à un meilleur sort.

Un exemple flagrant de disparité est justement survenu la semaine dernière lorsque le maire d’Onomichi, Yuko Hiratani, a provoqué une vive controverse en envoyant aux femmes enceintes de sa ville un document leur donnant des conseils pour éviter d’irriter leur mari.

Le document comprenait une section intitulée « Conseils de pères », qui reprenait les réponses à une enquête menée il y a cinq ans à Onomichi, dans le département d’Hiroshima (Ouest). Les autorités ont transmis des informations sur ce que les nouveaux pères aimaient ou pas dans le comportement de leur femme après l’accouchement. Certains hommes se disaient ainsi agacés lorsque leur femme était « irritée pour des raisons inconnues » et qu’elle ne pouvait « pas s’occuper des tâches ménagères » parce qu’elle était trop occupée à prendre soin du bébé.

Face au tollé, le maire s’est excusé. « Le document contient des expressions promouvant des rôles fixes basés sur le genre, et nous avons donc cessé de le distribuer. Nous présentons nos excuses les plus sincères », a dit le maire par communiqué.

Avec France Inter, l’Agence France-Presse, Evening Standard et Statista

En savoir plus
  • 122 420 000
    Nombre d’habitants de nationalité japonaise au Japon au 1er janvier 2023, en baisse de 800 500 ou 0,65 % sur l’année précédente. Il s’agit de la plus importante diminution depuis 1968.
    Source : RTBF
    85 000
    En 2020, nombre de nouveaux immigrants installés à long terme ou sur une base permanente au Japon. Le Viêtnam, la Chine et l’Indonésie sont les trois pays d’où sont arrivées le plus grand nombre de personnes.
    Source : OCDE iLibrary