(Pékin) C’est le dirigeant que tous veulent rencontrer au sommet du G20 : Xi Jinping occupe le devant de la scène, après presque trois ans d’isolement diplomatique qu’il s’est imposé en raison de la COVID-19.

Sur l’île tropicale indonésienne de Bali, le président chinois a mené mardi un marathon de rencontres après un entretien la veille avec son homologue américain Joe Biden qui a permis d’atténuer les tensions bilatérales.

Sourires, poignées de main chaleureuses, promesses de discussions sur le climat et le commerce : Xi Jinping a voulu se présenter comme un dirigeant responsable, prêt à affronter les défis mondiaux.

Il « s’efforce certainement de rattraper le temps perdu sur la scène internationale » avec cette « opération séduction », estime Danny Russel, vice-président du cabinet Asia Society Policy Institute à New York.

« Le sommet Biden-Xi a fait naître l’espoir que les deux puissances sont désormais disposées à traiter sur un plan différent leurs responsabilités mondiales et leurs différends bilatéraux », juge cet ex-haut fonctionnaire du département d’État américain.

Au programme diplomatique de Xi Jinping lors du G20 : des rencontres (entre autres) avec les présidents français Emmanuel Macron, sud-africain Cyril Ramaphosa, sud-coréen Yoon Seok-youl et indonésien Joko Widodo (hôte du sommet) ou encore le premier ministre australien Anthony Albanese.  

Il devrait également s’entretenir avec le premier ministre japonais Fumio Kishida lors du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec), lequel se tiendra jeudi et vendredi à Bangkok.

L’absence du président russe Vladimir Poutine, isolé diplomatiquement en raison de l’invasion de l’Ukraine, renforce par ailleurs le statut de Xi Jinping en tant que principal contrepoids aux États-Unis.

« Ligne de crête »

Le président chinois et Joe Biden sont arrivés à Bali revigorés par les récents évènements politiques dans leurs pays respectifs.

Xi Jinping a été reconduit en octobre à la tête du Parti communiste chinois (PCC) et son homologue américain a vu les élections de mi-mandat aux États-Unis être plus favorables que prévu au Parti démocrate.

Accompagné de ses principaux responsables de la diplomatie et des nouveaux hauts dirigeants du régime, Xi Jinping n’a toutefois pas transigé sur les intérêts fondamentaux de son pays.  

Il a rappelé à Joe Biden que l’avenir de Taïwan était « la première ligne rouge à ne pas franchir dans les relations sino-américaines ».

Xi Jinping n’a pas non plus infléchi sa position sur l’Ukraine. Il n’a ainsi toujours pas condamné publiquement la Russie pour son opération militaire.

La Chine est soulagée par l’absence de Vladimir Poutine au G20, car elle lui évite de devoir manœuvrer entre un soutien – même timide – au locataire du Kremlin et la condamnation unanime de l’Occident, selon des analystes.

« Xi est sur une ligne de crête. Il veut apparaître comme un dirigeant international respectable tout en soutenant Poutine », déclare à l’AFP Michael McFaul, professeur de relations internationales à l’université Stanford et ex-ambassadeur des États-Unis en Russie.

La Maison-Blanche a indiqué que MM. Biden et Xi s’étaient mis d’accord « sur le fait qu’une guerre nucléaire ne devrait jamais être menée et ne peut jamais être gagnée ».

Une claire réprimande à la Russie… même si la mention du nucléaire ne figure pas dans le communiqué officiel chinois.

Contraste avec Moscou

« L’absence de M. Poutine concentre davantage l’attention sur M. Xi et lui donne plus d’opportunités de faire valoir ses points de vue », explique par ailleurs Chong Ja-Ian, professeur de sciences politiques à l’Université nationale de Singapour.

« Ne pas avoir à rencontrer Poutine, avec qui M. Xi donne l’impression d’avoir des liens étroits, cela lui permet aussi de ne pas avoir à défendre ou à critiquer les actions russes. »

Le ton plus cordial que prévu du sommet sino-américain a également permis de rendre les entretiens bilatéraux suivants plus détendus.

Lors de sa rencontre mardi avec Anthony Albanese, Xi Jinping a ainsi appelé à « améliorer » et « développer » les difficiles relations diplomatiques, lors du premier sommet bilatéral depuis plus de cinq ans entre les deux pays.

« Xi Jinping bénéficie du contraste entre la Chine et la Russie, que plusieurs des dirigeants présents (à Bali) établissent », souligne Andrew Small, analyste du German Marshall Fund, un centre de recherche américain.

« L’image que M. Xi entend projeter dans cet endroit qu’est le G20 n’est pas celle d’une République populaire de Chine conflictuelle, mais plutôt d’une entité raisonnable, capable de gérer les questions mondiales de manière responsable. »