(Pékin) La Chine et le Honduras ont établi dimanche des relations diplomatiques, un revers pour Taïwan qui perd encore un allié et dénonce les « coercitions et intimidations » de Pékin.

Tegucigalpa avait annoncé quelques heures auparavant la rupture de ses liens avec Taipei, lequel n’est désormais plus reconnu que par 13 États dans le monde.

« La Chine et le Honduras viennent d’établir des relations diplomatiques », a tweeté Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.  

La Chine estime que l’île de Taïwan, peuplée de 23 millions d’habitants, est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise.

Achevé en 1949, le conflit a opposé les communistes (qui ont finalement pris le pouvoir en Chine continentale) à l’armée nationaliste (contrainte de se replier sur l’île).

En sept décennies, l’armée communiste n’a jamais pu conquérir l’île, laquelle est restée sous le contrôle de la « République de Chine », qui autrefois gouvernait toute la Chine et ne gouverne plus aujourd’hui que Taïwan.

Lors d’une cérémonie à Pékin, le ministre hondurien des Affaires étrangères, Enrique Reina, a signé avec son homologue chinois Qin Gang un document reconnaissant l’établissement des relations diplomatiques.

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Enrique Reina, ministre des Affaires étrangères du Honduras

Ils ont ensuite trinqué devant une rangée de drapeaux de leurs pays.

« Une impasse »

« Nous serions ravis d’accueillir au plus vite la présidente (hondurienne) Xiomara Castro en Chine », a déclaré Qin Gang, se réjouissant de relations bilatérales « qui bénéficieront aux deux pays et à leurs peuples ».

« Laissez-nous adresser ce message aux autorités taïwanaises : promouvoir l’indépendantisme et le séparatisme à Taïwan, aller à l’encontre de la volonté et des intérêts de la nation chinoise […] est une impasse », a-t-il souligné.

Au nom du « principe d’une seule Chine », Pékin ne permet pas aux pays étrangers d’avoir des relations diplomatiques simultanément avec elle et avec Taipei.  

Dans un communiqué de son ministère publié samedi soir, Enrique Reina avait indiqué avoir notifié Taïwan de « la décision de rompre les relations diplomatiques ».  

En réponse, le ministre taïwanais des Affaires étrangères, Joseph Wu, a accusé dimanche le Honduras de « se faire des illusions » au sujet des promesses chinoises d’aide économique.

Lors d’une conférence de presse à Taipei, il a également accusé Tegucigalpa de surenchère ces dernières semaines afin d’obtenir des financements.

Vatican et Haïti

Enrique Reina avait invoqué le 15 mars « les besoins énormes » du Honduras en matière économique et le refus de Taïwan d’augmenter son aide pour justifier la volonté d’instaurer des relations avec Pékin.

« La rupture des relations diplomatiques entre notre pays et le Honduras s’inscrit dans une série de coercitions et d’intimidations de la part de la Chine », a réagi le bureau de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.  

Dans un message sur Facebook, elle a jugé « regrettable » la rupture des liens avec Tegucigalpa.  

« Nous n’allons pas nous lancer avec la Chine dans une bataille vide de sens qui consisterait à mener une diplomatie du carnet de chèques » pour conserver des alliés, a-t-elle souligné.

« Il est important de noter que la (Chine) fait souvent, en échange d’une reconnaissance diplomatique, des promesses qui restent finalement sans suite » a réagi l’Institut américain à Taïwan – l’ambassade de facto des États-Unis sur l’île.

Pression

Les autorités chinoises cherchent à isoler diplomatiquement Taïwan depuis l’arrivée au pouvoir de Mme Tsai en 2016.

Elle est issue d’un parti traditionnellement favorable à l’indépendance. Une ligne rouge absolue pour Pékin, qui menace d’intervenir militairement pour empêcher un tel scénario et a accentué sa pression économique et militaire sur l’île.

Ces dernières années, Pékin avait déjà enlevé à Taipei plusieurs alliés latino-américains.

Parmi les États qui ont encore des relations diplomatiques avec Taïwan figurent le Vatican, l’Eswatini (ex-Swaziland), le Paraguay, des nations insulaires du Pacifique ou encore Haïti.

Ce nouveau revers diplomatique intervient alors que Tsai Ing-wen doit partir mercredi pour un voyage chez deux de ses derniers alliés, le Belize et le Guatemala.

Elle devrait faire escale aux États-Unis, une initiative condamnée par Pékin.

Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin McCarthy, a affirmé qu’il rencontrerait Mme Tsai en Californie, le département d’État américain affirmant que le voyage prévu était un « transit » plutôt qu’une « visite ».