(Bogotá) Le peuple indigène Awa est victime de meurtres, de déplacements forcés et de recrutements de mineurs par des trafiquants de drogue et des guérilleros à la frontière entre la Colombie et l’Équateur, ont dénoncé mardi les bureaux des médiateurs des deux pays.

Une « alerte » binationale a été lancée pour « prévenir les violations de droits et protéger » environ 29 000 membres de cette communauté autochtone qui vit le long de cette frontière.

En 2022, 22 meurtres, deux massacres (l’assassinat de trois personnes ou plus selon la définition de l’ONU), sept disparitions, dix actes de déplacement massif et cinq accidents dus à des mines terrestres ont été recensés contre le peuple Awa.

Par ailleurs, sept mineurs sont recrutés en moyenne chaque mois par les guérilleros de l’ELN, les dissidents des FARC – qui ont quitté l’accord de paix de 2016 – ou les gangs de trafiquants de drogue qui se disputent « l’économie de la coca, l’exploitation minière illégale, l’exploitation forestière illégale et d’autres économies illicites », a indiqué le médiateur colombien, Carlos Camargo, lors d’une conférence de presse à Bogotá.

Les groupes armés profitent de la porosité de la frontière, longue de 600 kilomètres, « avec des lacunes dans la présence de l’État », propices à la « dissimulation d’hommes et de matériels de guerre », a-t-il ajouté.

Après l’accord de paix de 2016, « il y a eu, en quelque sorte, une rupture », mais ensuite « les groupes illégaux ont commencé à s’organiser, à générer plus de violence » et « une répression très forte », pire que celle imposée par les anciens FARC, a déclaré Noel Amilcar, un dirigeant Awa.

Les peuples indigènes s’opposent traditionnellement au trafic de drogue et la communauté Awa souffre également du « manque d’attention de l’État en matière de santé, d’éducation, de logement, d’accès à l’eau potable et à internet », a ajouté César Cordova, médiateur de l’Équateur.

« La situation du peuple Awa est extrême », a également insisté Juliette De Rivero, représentante du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme.

La Colombie, principal producteur mondial de cocaïne, est minée depuis quelque 60 ans par une complexe guerre interne qui a fait plus de neuf millions de victimes (morts, disparus et déplacés), entre guérillas de gauche, paramilitaires de droite, trafiquants de drogue et forces de sécurité.

Dans le cadre d’une ambitieuse initiative dite de « paix totale », le nouveau président Gustavo Petro, cherche à négocier avec les différents groupes armés qui se disputent le juteux trafic de cocaïne.