(Canaan Membrillo) Avec difficulté, des centaines de migrants vénézuéliens avancent en file indienne dans la boue de la jungle du Darien, à la frontière entre la Colombie et le Panama, avec un seul objectif en tête : rejoindre les États-Unis.

Les pieds parfois en sang et après des jours de marche à travers cette forêt vierge de 575 000 hectares, ils arrivent par groupes dans la petite ville de Canaan Membrillo, premier poste frontalier au Panama. Plusieurs voyagent avec enfants et bébés.

« Tout le monde [ici] risque sa vie pour avoir un avenir, mais je ne recommande vraiment à personne de passer par la jungle, c’est très dur », témoigne auprès Jesus Arias, un Vénézuélien de 45 ans.   

Vêtu d’un simple tee-shirt et d’un short bleu, l’homme est arrivé au poste frontière sur le dos d’autres migrants après s’être fracturé le genou pendant son périple d’une semaine à travers la jungle. Il explique vouloir se rendre aux États-Unis parce qu’« il n’y a pas d’avenir au Venezuela ».  

Mais son rêve pourrait ne jamais se réaliser après la décision de Washington la semaine dernière de renvoyer systématiquement au Mexique tous les Vénézuéliens qui tenteraient de traverser illégalement la frontière.

En contrepartie, les États-Unis qui cherchent à freiner le rythme des arrivées, ont promis d’instaurer un programme humanitaire pour immigrer légalement directement depuis le Venezuela.  

« Nous irons quand même là-bas. Nous irons aux États-Unis », assure cependant Jesus Arias, qui travaillait dans un réseau de poissonneries dans son pays.

« Beaucoup de morts »

Selon des données officielles du Panama, entre janvier et mi-octobre, quelque 185 000 personnes ont traversé la jungle du Darien, dont 133 000 en provenance du Venezuela.  

J’ai vu « beaucoup de morts, beaucoup de montagnes et beaucoup de rivières qui ont emporté beaucoup de gens […], c’était horrible », raconte Nélida Pantoja, 46 ans, en route vers les États-Unis avec plusieurs membres de sa famille.

En plus de la topographie compliquée de la jungle, entre zones montagneuses et marécages, les migrants sont à la merci des serpents venimeux et des groupes criminels.

À Canaan Membrillo les migrants vénézuéliens, mais également d’autres nationalités, profitent d’un répit, se reposant sous des tentes ou jouant au basket.

« Je me suis perdu pendant trois jours dans la jungle avec ma famille. Avec mes enfants, nous allions trop lentement et je n’arrivais pas à suivre le groupe », raconte Darwin Vidal, 33 ans. Assis par terre, une casquette le protégeant du soleil, il explique comment ils ont gardé leur calme et « prié Dieu » avant de parvenir à retrouver le groupe avec lequel ils étaient partis.  

« Ma maman, mon papa, mes frères et sœurs m’attendent [aux États-Unis], alors […], si le plus dur est passé, il ne me reste plus grand-chose à faire, je dois continuer », témoigne Rusbelis Serrano, une jeune Vénézuélienne de 18 ans.  

Selon les autorités médico-légales panaméennes, au moins une centaine de personnes sont mortes en essayant de traverser le Darien depuis 2018, 2021 étant la pire année avec 53 décès.