(Caracas) Les Vénézuéliens se rendaient peu nombreux aux urnes dimanche matin pour élire sans suspense un nouveau parlement puisque l’opposition a appelé au boycottage, le parti du président Nicolas Maduro s’apprêtant à récupérer la seule institution qui manquait à son pouvoir hégémonique.

« L’heure est venue, votons pour la paix, la patrie, l’avenir ! », a écrit le président Maduro sur les réseaux sociaux peu après l’ouverture des bureaux de vote, à 10 h GMT, où peu d’électeurs se sont rendus à la mi-journée, a constaté l’AFP.  

Quelque 14 000 candidats désignés par 107 partis sont en lice pour s’emparer des 277 sièges soumis au suffrage de 20,7 millions de votants, auxquels l’opposition a demandé de « rester à la maison ».

« Ce sera le meilleur moyen de rejeter la fraude » que représente cette élection, a tweeté dimanche le leader de l’opposition Juan Guaidó. Son équipe affirme que moins de 3 % de l’électorat s’est pour l’heure déplacé.

« Ceux qui s’abstiennent ont tort. Comment pouvez-vous laisser les autres décider à votre place ? », a estimé Fany Molina, électrice de 70 ans dans une école de Caracas reconvertie en bureau de vote.

Pour Juan Rivas, électeur de 73 ans, « la nouvelle Assemblée doit donner le pouvoir au peuple » et « s’attaquer au blocus criminel de l’agression américaine et sauver les valeurs éthiques, la lutte contre la corruption et l’impunité ».

Cette élection, que ne reconnaîtra pas une majeure partie de la communauté internationale qui soutient Juan Guaidó, autoproclamé président par intérim et reconnu par une soixantaine de pays, États-Unis en tête, se déroule dans un pays qui traverse une profonde crise politique et économique.

Étouffé par une inflation galopante (+4000 % sur un an), paralysé dans d’interminables files d’attente pour faire le plein d’essence, fatigué du manque d’approvisionnement en eau et en gaz, et excédé par les brutales coupures de courant, le Venezuela est aux abois.

« Si vous voulez que nous relancions l’économie, que nous relancions le pays, que nous retrouvions nos salaires, il faut aller voter », a déclaré Nicolas Maduro dans l’un de ses nombreux appels à la participation pour légitimer son « triomphe » annoncé, les instituts de sondage tablant sur un taux de participation de 30 %.

Pour Félix Seijas, directeur de l’institut Delphos, le chavisme au pouvoir, du nom du président socialiste décédé Hugo Chavez (1999-2013), « a un plafond électoral d’environ 5,5 millions de votants. Son souci est de savoir comment les faire venir aux urnes ».

« Aider le Venezuela »

Les sanctions américaines, qui comprennent un embargo pétrolier en vigueur depuis avril 2019, ont été au centre du discours de campagne du camp Maduro.

Selon l’institut Datanalisis, ces sanctions suscitent 71 % de rejet dans la population.

Président du parlement unicaméral depuis 2015, Juan Guaidó appelle pourtant à les « amplifier » lors d’une consultation populaire qu’il tiendra la semaine prochaine, sur laquelle il compte s’appuyer pour proroger son mandat au-delà de sa date d’expiration, le 5 janvier.  

En choisissant une nouvelle fois de boycotter un scrutin qu’il estime sans garantie, après la présidentielle de 2018 ou le vote sur une Assemblée constituante en 2017, il joue son va-tout avec cette consultation aux effets incertains.  

M. Guaidó, dont la popularité s’est érodée, se montre pourtant confiant : « J’ai plus que de l’optimisme, j’ai des certitudes ».

Les Vénézuéliens auront également la possibilité de se prononcer via un vote électronique.

L’opposition avait déjà organisé une consultation indépendante en juillet 2017 contre l’Assemblée constituante proposée par Nicolas Maduro, recueillant 7,5 millions de voix.

Cette Assemblée constituante est toujours installée et, depuis une décision de la Cour suprême aux mains du chavisme, elle remplace même dans les faits l’Assemblée nationale en annulant toutes ses décisions.

L’opposition compte surtout sur les condamnations internationales. L’Association mondiale des juristes a déjà estimé que ces élections étaient « sans conséquences juridiques valables ».

Washington et l’Organisation des États américains (OEA) ont annoncé qu’ils ne les reconnaîtront pas et l’Union européenne a appelé sans succès à leur report, estimant qu’elles n’étaient ni « transparentes » ni « crédibles ».

Pour l’ex-premier ministre espagnol José Luis Zapatero, qui mène des tentatives de dialogue entre pouvoir chaviste et opposition, l’UE devra faire plus que « ne pas reconnaître » les résultats, mais « réfléchir à la manière d’aider le Venezuela ».