Le second tour des élections municipales au Brésil dimanche a confirmé la déroute de la gauche, illustrée par la première élection d'un évangélique à la mairie de Rio de Janeiro, la deuxième ville du pays.

Le sénateur Marcelo Crivella, membre du Parti républicain brésilien (PRB, droite) et évêque de l'Église universelle du Royaume de Dieu, a remporté la municipalité de Rio avec 59,37% des voix contre Marcelo Freixo (40,63%), du parti de gauche PSOL et figure locale de la lutte contre les milices paramilitaires.

Ces élections accentuent le virage à droite amorcé au premier tour le 2 octobre et confirment l'hécatombe au sein du Parti des Travailleurs (PT, gauche) de l'ex-président Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010) et de son héritière politique Dilma Rousseff.

Mme Rousseff a été destituée en août par le Sénat pour maquillages des comptes publics au terme d'une procédure controversée qui a mis fin à 13 ans de gouvernements du PT.

Le PT qui en 2012 avait remporté quatre des 26 capitales régionales n'en a conquis aucune dimanche. Ni Lula, ni Dilma Rousseff n'ont voté dimanche.

Le PT avait déjà perdu au premier tour plus de la moitié de ses mairies dont son joyau Sao Paulo, poumon économique du pays.

La mégapole est passée aux mains du PSDB de l'ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002), allié du président conservateur Michel Temer (PMDB).

Le grand parti centriste PMDB du président Temer est la formation qui a remporté le plus de mairies, comme en 2012.

Mais c'est le PSDB qui a enregistré la plus forte progression à l'échelle nationale, remportant non seulement Sao Paolo, mais aussi Maceio (nord-est) et Porto Alegre (sud), berceau de l'altermondialisme.

«La base du gouvernement Temer sort largement victorieuse des élections, surtout avec le résultat de Rio de Janeiro et de la banlieue de Sao Paulo, où le PT a perdu ses fiefs historiques de Sao Bernardo do Campo et Santo André», a commenté à l'AFP Fernando Schüler, politologue à Sao Paulo.

Mais l'enjeu principal de dimanche était Rio de Janeiro qui faisait l'objet d'une lutte entre deux candidats diamétralement opposés, le sénateur conservateur Crivella et le député local d'extrême gauche Marcelo Freixo qui se sont illustré dans la lutte contre les milices armées.

Église versus socialisme

La «ville merveilleuse» tourne la page des jeux Olympiques au milieu d'une grave crise financière et sécuritaire, après huit ans de gestion de maire sortant Eduardo Paes, du PMDB.

Entré en politique il y a 14 ans, Marcello Crivella, 59 ans, évêque de l'Église universelle du royaume de Dieu (EURD, néo-pentecôtiste), tentait pour la troisième fois de se faire élire maire de Rio. Il avait le soutien des plus défavorisés.

Malgré des révélations chocs de la presse qui a ressorti un livre qu'il a publié en 2002, il a évincé Freixo, 49 ans, du Parti Socialisme et Liberté (PSOL), formé par des dissidents du PT.

Dans cet ouvrage où il évoque son expérience de missionnaire en Afrique, M. Crivella accuse l'Église catholique de «prêcher des doctrines démoniaques», alors que le Brésil est le pays comptant le plus de catholiques au monde, et qualifie l'homosexualité de «mal terrible».

Entre les deux tours, il a attribué à des  «erreurs de jeunesse» ces propos écrits alors qu'il avait 42 ans.

«Nous avons quatre ans pour construire le Rio de Janeiro de nos rêves», a clamé M.Crivella à l'issue de sa victoire à Bangu dans la zone nord et pauvre de Rio. Il a «remercié l'Église catholique qui nous a appuyée» et toutes les autres religions, et a critiqué la campagne diffamatoire de certains médias «contre» sa candidature.

C'est son oncle, le polémique évêque Edir Macedo, qui a fondé l'EURD en 1997 et il est propriétaire de Record TV, la deuxième chaîne de télévision du Brésil après TV GLOBO.

Le politologue Mauricio Santoro de l'Université Uerj a expliqué à l'AFP que la victoire de M. Crivella, «un conservateur hostile aux religions afro-brésiliennes à Rio, la ville du carnaval, ouverte sur la sexualité», n'était pas aussi paradoxale qu'elle peut paraître.

«Crivella a bénéficié du vide politique laissé par la rupture de l'alliance entre le PT de Lula et le PMDB de centre droit du maire sortant Eduardo Paes», a-t-il souligné.