Le riche entrepreneur Horacio Cartès, de l'ex-parti hégémonique Colorado, et l'avocat et ex-ministre Efrain Alegre, du Parti libéral, sont les favoris du scrutin présidentiel de dimanche au Paraguay, face à une gauche désunie dont aucun parti ne devrait dépasser 10% des voix.

Le pays est actuellement gouverné par l'intérimaire Federico Franco, du Parti libéral, qui a succédé en juin 2012 à l'ancien évêque Fernando Lugo, arrivé au pouvoir en 2008 grâce à une coalition rassemblant la gauche et les libéraux.

La ferveur des précédentes élections n'est pas au rendez-vous cette année. Pour les électeurs de gauche, la destitution de Fernando Lugo a été durement ressentie, même si son image avait été ternie en début de mandat quand il avait dû reconnaitre avoir eu deux enfants.

«Il a fait beaucoup de choses, il a facilité l'accès aux soins médicaux pour les plus pauvres. Avant, il fallait être d'un parti pour obtenir des médicaments gratuits», témoigne Carlos Gonzalez, un commercial de 48 ans. Il va voter cette année pour un autre candidat de gauche, Mario Ferreiro. «Le pays a besoin d'un changement, plaide-t-il. Les partis traditionnels (Colorado et libéraux, ndlr) ne pensent pas au peuple».

Les sondages très contrastés semblent placer Horacio Cartès et Efrain Alegre au même niveau, avec entre 35 et 40% des voix. Mario Ferreiro et Anibal Carrillo, candidat du Frente Guasu de Fernando Lugo, sont en lutte pour la 3e place, avec peu d'espoir de totaliser plus de 10% des suffrages, alors que la coalition menée par Lugo l'avait emporté avec 40%.

Dans les rues de la capitale Asuncion et des autres villes du pays, les affiches des candidats sont partout sur les murs et les panneaux publicitaires. Les voitures aussi sont souvent décorées aux couleurs des partis politiques. Des caravanes de militants parcourent le pays et scandent depuis leurs véhicules des slogans à la gloire de leurs candidats.

Pour José Alvaredo, un agent de sécurité de 52 ans actuellement sans emploi, le pays «est dans la misère» et seul le Parti Colorado peut renverser la vapeur. Il défend bec et ongles son candidat, le millionnaire Horacio Cartès, assurant que c'est un homme «travailleur et honnête», alors que ses détracteurs l'accusent de liens avec le trafic de drogue. «Les libéraux sont des voleurs, ils s'en mettent plein les poches. Horacio, lui, il est riche, il n'aura pas besoin de voler. L'unique option pour le Paraguay, c'est le Colorado», affirme-t-il.

Le candidat libéral Efrain Alegre est accusé par son adversaire Horacio Cartès d'avoir détourné 25 millions de dollars lors qu'il était ministre des Travaux publics (2008-2011) de Fernando Lugo. Le Parti libéral a reçu pour cette élection le soutien de l'Union nationale des citoyens éthiques (UNACE) d'une personnalité de la vie politique paraguayenne, le général Lino Oviedo, mort en février dans un accident d'hélicoptère lors d'une tempête.

Une vidéo a fait scandale vendredi. On y voit un sénateur du Parti Colorado, sur lequel le dictateur Alfredo Stroessner s'était appuyé pendant son règne (1954-1989), proposer à des dirigeants libéraux environ 100.000 guaranis (18 euros) pour chaque électeur qui s'abstiendra de voter.

Dans ce pays agricole -4e producteur mondial de soja- où la majorité des habitants vivent dans la pauvreté, l'achat de votes est fréquent.

«C'est une pratique commune de la part des deux partis traditionnels qui jouent sur la nécessité et la précarité des citoyens», dénonce l'ex-président Fernando Lugo (2008-2012), qui brigue un siège de sénateur.

L'universitaire argentine Sonia Winer voit dans le scrutin de dimanche «un retour à une certaine normalité, à la tradition. C'est un retour aux structures les plus traditionnelles» et elle pronostique une victoire du Parti Colorado, qui continue selon elle de contrôler tous les rouages de l'administration paraguayenne.

Comme c'est le cas dans la plupart des pays d'Amérique latine, la vente d'alcool a été interdite samedi, jusqu'à la fin du scrutin dimanche soir.

3,5 millions de Paraguayens sont appelés aux urnes pour élire un président, un vice-président, 45 sénateurs, 80 députés et les gouverneurs des 17 départements. Pour la première fois, les Paraguayens exilés en Argentine ou au Brésil voisins, le plus souvent comme employés de maison ou ouvrier, peuvent voter.