Le président cubain Raul Castro a reçu dimanche un second mandat de cinq ans pour poursuivre les réformes et préparer sa succession à la tête de Cuba, avec l'aide d'un nouveau numéro deux, Miguel Diaz-Canel, un quinquagénaire appelé à diriger le Cuba du futur, sans les Castro.

Ingénieur en électronique, ex-ministre de l'Éducation supérieure, Miguel Diaz-Canel était devenu en mars 2012 un des huit vice-présidents du conseil des ministres et avait récemment beaucoup gagné en visibilité dans le paysage politique cubain.

Désormais premier vice-président du Conseil d'État, membre depuis 2003 du bureau politique du tout-puissant Parti communiste de Cuba (PCC), Miguel Diaz-Canel, qui aura 53 ans en avril, apparaît désormais comme le successeur désigné du président Raul Castro, 81 ans, qui a lui-même imposé une limite de deux mandats de cinq ans aux principaux dirigeants.

Et cette succession, prévue normalement à l'horizon 2018 à l'issue de la législature, pourrait être anticipée. Même si c'était sous forme de plaisanterie, Raul Castro a évoqué son possible retrait lors d'une rencontre impromptue avec des journalistes.

«Je vais démissionner. Je vais avoir 82 ans, j'ai le droit de me retirer. Vous ne croyez pas?», a-t-il lancé vendredi aux journalistes en riant avec ses gardes du corps, alors qu'il accompagnait le premier ministre russe Dimitri Medvedev dans un cimetière militaire soviétique à La Havane.

La rénovation attendue du Conseil d'État a également pris le visage de Mercedes Lopez Acea, 48 ans, première secrétaire du PCC pour la province de La Havane. Ingénieur en arboriculture et seule femme des quinze membres du bureau politique du PCC, elle devient la plus jeune des cinq vice-présidents du Conseil d'État.

Parmi les quatre autres vice-présidents du Conseil d'État désignés par l'assemblée nationale à l'occasion de sa séance inaugurale figure le premier vice-président sortant, José Ramon Machado Ventura, 82 ans.

Deux autres sortants conservent leur position de vice-président, le dirigeant historique Ramiro Valdés, 80 ans, et Gladys Bejerano, 66 ans, chef de l'autorité de contrôle financier de l'État.

Le cinquième vice-président est le chef de la centrale syndicale d'État CTC, Salvador Valdés Mesa, 67 ans, qui était déjà membre du Conseil d'État.

Avant de désigner les 31 membres du Conseil d'État, les 612 députés réunis au Palais des conventions de La Havane, parmi lesquels l'ex-président Fidel Castro, 86 ans, ovationné pour une de ses rares sorties en public, se sont dotés d'un nouveau président.

Esteban Lazo, un économiste qui aura 69 ans mardi, a ainsi pris la succession de l'universitaire et diplomate Ricardo Alarcon, 75 ans, qui a choisi de ne pas se représenter à ce poste stratégique qu'il occupait depuis 1993.

Principal politicien noir de Cuba, réputé pour son orthodoxie, Esteban Lazo était auparavant un des cinq vice-présidents du Conseil d'État.

Pour les analystes, la prochaine législature de cinq ans sera un banc d'essai pour discerner la manière dont les candidats potentiels à la succession mènent les réformes lancées depuis 2008 par Raul Castro.

«Personne ne peut gouverner avec la légitimité charismatique des dirigeants historiques, ce sera une période d'expérimentation, les candidats possibles devront montrer leur capacité à dessiner le Cuba du futur», a jugé pour l'AFP le politologue cubain Carlos Alzugaray.

Pragmatisme et rigueur

Sans le charisme de Fidel, son aîné de cinq ans qui lui a cédé le pouvoir pour raisons de santé en juillet 2006, mais avec pragmatisme et rigueur, Raul est officiellement devenu président en février 2008, puis premier secrétaire du tout-puissant Parti communiste de Cuba (PCC) en avril 2011.

Unique général quatre étoiles de Cuba, Raul Castro, qui aura 82 ans le 3 juin, s'efforce depuis six ans de réformer le modèle économique cubain, calqué sur le suranné système soviétique des années 80, tout en préservant les piliers du régime: l'omniprésence de l'État sous la férule du parti unique et les vitrines sociales que sont les secteurs de la santé, de l'éducation et de la culture.

Ferme et autoritaire, en contraste, selon ses proches, avec un caractère allègre et un humour pointu en privé, le général-président a également entrepris une bataille contre la corruption -»pire ennemi que l'impérialisme», selon ses termes- qui a jeté en prison des dizaines de hauts responsables, dont quelques ministres.

De taille moyenne et les yeux bridés qui lui valent le surnom de «Chinois», alternant volontiers uniforme militaire, traditionnelle guayabera (chemise blanche longue à quatre poches) ou costume croisé, Raul Castro n'est pas un bavard.

Il n'aime guère les médias et, contrairement à son frère, se contente généralement de lire sans improvisation des discours brefs et précis.

Outre les réformes économiques qu'il a lancées -travail indépendant, marchés automobile et immobilier, crédit bancaire, distribution de terres à des particuliers en usufruit-, il a également entamé un rapprochement inédit avec l'Église catholique cubaine, qui a permis la libération de quelque 130 prisonniers politiques.

Il a également assoupli les règles d'émigration des Cubains, qui n'ont plus besoin depuis janvier dernier de visa de sortie du pays pour voyager à l'étranger.

Impassible face aux critiques qui lui réclament d'aller plus vite dans les réformes, il est un inconditionnel du «doucement, mais sûrement» et conserve une main de fer contre les opposants, considérés par le régime comme des «mercenaires» à la solde des États-Unis.

Ministre de la Défense durant près d'un demi-siècle, de l'aube de la Révolution en 1959 jusqu'en 2008, il s'est généreusement entouré de militaires et l'armée contrôle désormais de larges pans de l'économie cubaine.

«Simplement, j'exigerai que se réalise ce que j'ai ordonné ou suggéré en accord avec les organes supérieurs», a-t-il averti lors d'un congrès quinquennal du Parti en avril 2011.

À sa demande, le PCC a approuvé en janvier 2012 une limitation à deux mandats de cinq ans des principales charges électives du pays, se fixant ainsi lui-même l'horizon 2018 pour quitter le pouvoir.

Père de quatre enfants, Raul a perdu en 2007 sa compagne d'un demi-siècle, Vilma Espin, qui assumait d'importantes activités de défense de la condition féminine et les droits des enfants.

Une de leurs filles, Mariela, a repris le flambeau à la tête du Centre national d'éducation sexuelle, fer de lance contre la discrimination sexuelle à Cuba.