Des responsables de la campagne électorale de Rafael Correa, aujourd'hui président de l'Équateur, ont cherché à obtenir un soutien financier des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en 2006, et des preuves montrent que M. Correa était au courant de ces sollicitations, révèle un rapport publié mardi par une organisation britannique.

Les liens de Rafael Correa avec la guérilla communiste colombienne avaient déjà été évoqués dans le passé, mais c'est la première allégation publique voulant qu'il ait été directement impliqué dans cette affaire. Selon le rapport, des preuves suggèrent fortement que les FARC ont versé 100 000$US à la campagne électorale de M. Correa.

De hauts responsables équatoriens ont nié ces allégations.

Le rapport de 240 pages, publié par le groupe de réflexion londonien International Institute for Strategic Studies (IISS), affirme aussi qu'après le coup d'État raté de 2002 au Venezuela, le gouvernement du président Hugo Chavez a recruté des rebelles des FARC pour entraîner des loyalistes afin «d'attaquer, de neutraliser ou de liquider» ses opposants dans l'éventualité d'un autre coup d'État.

Les auteurs du rapport ont tiré leurs conclusions à partir de 8382 documents électroniques trouvés dans l'ordinateur ayant appartenu à Raul Reyes, un haut commandant des FARC mort en mars 2008 lors du bombardement par l'armée colombienne d'un camp de la guérilla situé de l'autre côté de la frontière, en Équateur.

Le gouvernement colombien a autorisé l'IISS à accéder aux documents en 2008, à l'époque où Alvaro Uribe, un partisan de la ligne dure, était président, a indiqué à l'Associated Press José Obdulio Gaviria, un ancien conseiller de M. Uribe. Le président actuel de la Colombie, Juan Manuel Santos, était ministre de la Défense à l'époque.

Les auteurs du rapport ont analysé ces documents, et d'autres documents fournis par la Colombie, à la recherche de détails sur les liens entre les FARC et les gouvernements de l'Équateur et du Venezuela. Ils ont accompagné leur rapport d'un CD contenant les documents en question.

Aucune preuve ne montre que les loyalistes entraînés par des rebelles des FARC ont effectivement mené des attaques contre des opposants d'Hugo Chavez. L'ambassade du Venezuela à Londres a diffusé un communiqué qualifiant le rapport de «louche», réaffirmant la position du gouvernement vénézuélien selon laquelle les documents de Raul Reyes ont été fabriqués de toute pièce.

Les enquêteurs ont tiré leurs conclusions sur Rafael Correa à partir de documents qui ne provenaient pas des dossiers du commandant rebelle.

Ils affirment avoir vu le témoignage d'un agent des FARC en Équateur fait en 2006, «qui semble détailler les intérêts personnels de Correa» et qui donne des éclaircissements «sur les contributions illégales des FARC à sa campagne». Les auteurs du rapport n'ont pas dit à qui l'agent des FARC avait livré son témoignage.

Dans ce témoignage, affirme le rapport, l'agent des FARC, qui a par la suite fait défection du groupe rebelle, «a rapporté avoir été sollicité par l'équipe de campagne de M. Correa avant l'élection présidentielle, parlant d'abord avec un intermédiaire, puis par téléphone et en personne avec Ricardo Patino (l'actuel ministre des Affaires étrangères de l'Équateur), et finalement avec M. Correa lui-même dans une série de trois conversations téléphoniques lors desquelles M. Correa a clairement montré avoir connaissance des négociations en cours entre ses subordonnés et les FARC».

«Il existe des preuves circonstancielles et des preuves directes indiquant que M. Correa pourrait avoir été personnellement au courant et impliqué dans la décision de solliciter un appui financier des FARC dans la campagne au second tour», ajoute le rapport.

En juin 2008, l'Associated Press avait parlé à un homme en Colombie qui semble être la même source que celle du rapport de l'IISS sur Rafael Correa. Il avait raconté la même histoire, mais avec beaucoup plus de détails. L'Associated Press avait décidé de ne pas publier l'histoire à l'époque parce qu'elle n'avait pas pu vérifier le récit de façon indépendante.

L'homme, qui s'était identifié comme un vétéran des FARC depuis 25 ans maintenant démobilisé, avait affirmé à l'Associated Press avoir parlé avec M. Correa trois fois au téléphone. Dans deux de ces conversations, M. Correa a demandé de l'aide pour sa campagne, a dit l'homme. La troisième fois, le combattant des FARC a félicité le président pour son élection en novembre 2006. Le vétéran des FARC a réclamé l'anonymat, affirmant craindre pour sa vie.

L'homme a indiqué qu'il ne pouvait pas confirmer que le groupe rebelle avait bel et bien contribué à la campagne de M. Correa parce qu'il était emprisonné en Équateur à l'époque et qu'il avait fait défection du groupe en mars 2007.

Mais le rapport de l'IISS affirme que des documents bancaires obtenus par les autorités électorales équatoriennes sont «la preuve la plus solide que les contributions des FARC ont été utilisées pour les dépenses de campagne de Rafael Correa».

Le ministre des Affaires étrangères de l'Équateur, Ricardo Patino, a affirmé que les allégations voulant qu'il ait sollicité des fonds des FARC et qu'il ait rencontré un agent du groupe rebelle étaient «complètement fausses».

«Je ne connais personne des FARC», a-t-il affirmé à l'Associated Press lundi. «Je n'ai jamais vu de ma vie des gens des FARC.»

Les allégations impliquant M. Patino sont aussi mentionnées dans un télégramme diplomatique américain daté de janvier 2010 et publié le mois dernier par WikiLeaks. Le document diplomatique ne citait pas ses sources et ne donnait pas d'opinion quant à la crédibilité de l'information.