L'Uruguay, petit pays d'Amérique du Sud à la pointe de la lutte antitabac dans la région, va renforcer sa politique en la matière, allant ainsi au bras-de-fer avec le géant de la cigarette Philipp Morris, qui l'a traîné devant une cour d'arbitrage de la Banque mondiale.

«Nous sommes proches de définir un projet antitabac qui ira encore plus loin que le précédent et qui renforce les mesures prises» en matière «de prix, d'éducation et de publicité», a déclaré jeudi le chef de la diplomatie de ce pays de 3,4 millions d'habitants, Luis Almagro.

Le 1er mars 2006, l'Uruguay était devenu le premier pays latino-américain et le cinquième au monde à interdire le tabac dans les lieux publics, sous l'impulsion du président de l'époque Tabaré Vazquez, cancérologue de profession.

Le gouvernement avait en outre proscrit la publicité sur les cigarettes, augmenté les taxes sur le tabac, interdit aux cigarettiers de vendre plusieurs produits de la même marque et imposé l'impression de messages antitabac couvrant 80% de la taille des paquets de cigarettes.

Ce sont ces deux dernières mesures que conteste Philip Morris international.

Le cigarettier, installé en Suisse, estime qu'elles ne respectent pas les termes du traité de promotion et de protection des investissements conclus entre les deux pays.

Il a donc déposé une plainte contre l'Uruguay le 26 mars devant le Centre international de règlement des différends relatifs à l'investissement (Cirdri) de la Banque mondiale.

À la même époque, Philip Morris a annoncé qu'il allait attaquer l'État norvégien en justice pour tenter d'obtenir l'annulation d'une loi interdisant l'exposition de cigarettes sur les étals des boutiques.

Cette riposte juridique a inquiété certains membres du gouvernement uruguayens, qui ont proposé de faire marche arrière pour éviter un procès potentiellement ruineux.

L'actuel chef de l'État José Mujica a lui-même déclaré en juillet que son pays devait «se battre avec des monstres qui ont plus de ressources que l'État uruguayen».

Le Produit intérieur brut (PIB) du pays sud-américain s'élevait l'an dernier à 31,5 milliards de dollars, soit la moitié du chiffre d'affaires de Philip Morris (62 milliards de dollars).

Mais Tabaré Vazquez, membre de la même coalition de gauche que son successeur José Mujica, avait alors vivement réagi, jugeant que cette position constituait «un pas en arrière et un aveu de faiblesse».

Plusieurs organisations non gouvernementales avaient également appelé le gouvernement uruguayen à ne pas céder.

Ils ont visiblement été entendus.

«La politique antitabac représente un capital très important pour la politique extérieure de l'Uruguay. Cela nous donne une visibilité au plan mondial, nous ne pouvons pas renoncer à cela», a déclaré jeudi M. Almagro, tout en espérant «ne pas aller jusqu'à un procès».

Selon le ministère uruguayen de la Santé publique, plus de 130.000 personnes ont arrêté de fumer depuis la mise en place des mesures antitabac en 2006.

La proportion de fumeurs dans la population uruguayenne est passée de 32% en 2006 à 25% l'an dernier, d'après l'Enquête mondiale sur le tabagisme des adultes (GATS), réalisée par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Centre américain de contrôle et de prévention des épidémies (CDC).