Ciudad Juarez enterrait mardi les 16 lycéens massacrés deux jours plus tôt lors d'une fête, un carnage exceptionnel même dans cette ville mexicaine qui enregistre jusqu'à une dizaine de meurtres par jour, derrière lesquels plane l'ombre des cartels de la drogue.

C'est à Ciudad Juarez, en face d'El Paso (Texas), que se concentre la guerre sans merci entre les cartels pour le contrôle du trafic à destination des Etats-Unis, premier client mondial de la cocaïne: plus de 2 500 morts l'an dernier dans cette ville de 1,3 million d'habitants.

Les tueurs des lycéens qui fêtaient un anniversaire et une victoire de leur équipe de football, appartiendraient au gang des «Aztèques», à la solde du cartel de Juarez, un des plus connus du pays, a-t-on indiqué au Parquet.

Mardi après-midi, l'évêque de Ciudad Juarez, Mgr Renato Ascensio Leon, a célébré une messe à la mémoire des jeunes victimes, dont plusieurs ont été conduites par leurs familles dans la rue de la tuerie avant d'être enterrées.

Certaines familles avaient érigé à leur domicile des petits autels recouverts de photos du jeune défunt et d'images religieuses, comme chez José Adrian Hernandez, qui venait de recevoir une distinction pour son succès dans ses études.

On l'y voit rieur, en vacances avec sa petite amie et ses copains, et très sérieux, toque de bachelier sur la tête le jour de sa remise de diplôme.

Le massacre des lycéens avait marqué le début d'un week-end prolongé particulièrement sanglant dans le nord du Mexique: 46 victimes, toutes tuées par balle, à Ciudad Juarez, Torreon et Magdalena, dans les trois États de Chihuahua, Coahuila et Sonora, qui couvrent les 3.000 kilomètres de la frontière avec les États-Unis.

Au plan national, ces affrontements entre les grands cartels ont déjà fait plus de 15 000 morts depuis la prise de fonctions du président Felipe Calderon fin 2006, en dépit du déploiement de plus de 50 000 militaires en renfort de la police.

M. Calderon, qui a condamné «le lâche assassinat» des lycéens depuis Tokyo, où il était en visite officielle, a érigé la lutte contre les cartels en priorité nationale, sans avoir réussi à les neutraliser.

Sa méthode, basée sur une militarisation systématique dont les populations locales souffrent souvent, soulève des critiques dans les milieux politiques, qu'il ne peut ignorer: la présidentielle de 2012 approche et sa réélection n'est pas garantie.

Dans cette perspective, il a toutefois marqué des points récemment.

En décembre, Arturo Beltran Leyva, chef du cartel éponyme, a été tué dans un raid militaire et un de ses frères, Carlos, a été arrêté peu après.

En janvier, Teodoro Garcia Simental, dit «El Teo», a lui aussi été appréhendé. Réputé pour sa cruauté, considéré comme une force montante des cartels, il figurait, comme Arturo Beltran Leyva, sur la liste des 24 dirigeants des cartels pour la capture desquels le gouvernement a offert jusqu'à 2,3 millions de dollars (1,4 million d'euros).

La mort ou la capture de tel ou tel chef ne signifie pas forcément la disparition de son organisation, mais sûrement son affaiblissement momentané et entraîne presque automatiquement une intensification des assauts des bandes rivales, expliquent les experts.

C'est le cas ces dernières semaines le long de la frontière américaine, selon eux, d'autant qu'on assiste à une restructuration des cartels mexicains en deux grands groupes ennemis: d'un côté Sinaloa et La Famille, de l'autre Beltran Leyva, Golfe, Zetas, Tijuana et Juarez.