(Khartoum) Un cessez-le-feu est entré en vigueur samedi matin au Soudan où des habitants de Khartoum profitent d’un rare répit pour se ravitailler ou fuir la capitale, en proie depuis bientôt deux mois à un conflit armé qui a conduit à une grave crise humanitaire.

Les camps des deux généraux en guerre ont accepté une trêve de 24 heures, à partir de 6 h, heure de Khartoum (0 h heure de l’Est), avait annoncé vendredi le médiateur saoudien, qui accueille depuis des semaines des négociations entre les belligérants.

Plusieurs heures après son entrée en vigueur, des habitants de différents quartiers de la capitale soudanaise ont indiqué à l’AFP qu’ils n’avaient entendu ni bombardements ni affrontements. Et beaucoup en ont profité pour s’aventurer dans les rues, habituellement trop dangereuses en raison des combats.

Mohamad Radwan, qui vit dans un quartier sud, est allé faire des courses. « La trêve est une chance pour nous pour aller acheter à manger après avoir dû rationner notre nourriture », dit-il à l’AFP.  

Les précédentes trêves étaient généralement violées dès leur entrée en vigueur. « C’est la première fois que toutes ces heures passent sans entendre le bruit des armes », témoigne Hamed Ibrahim qui habite dans l’est de Khartoum. « Aujourd’hui, c’était complètement différent », dit-il.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Les gens se rassemblent au marché pour acheter des provisions alimentaires, à Khartoum, pendant un cessez-le-feu.

« Calme total » aussi dans la ville jumelle d’Omdourman, selon un habitant, Othman Hamed. Hajar Youssef, qui réside dans la même ville, dit être allée en quête d’une pharmacie. « Ma mère souffre de diabète et a besoin d’insuline. Mais j’en n’ai trouvé aucune d’ouverte », raconte-t-elle.

D’autres cherchent à fuir la ville. « Le nombre de gens voulant partir aujourd’hui à Madani, Gedaref, Sennar ou Kosti (des villes situées plus au sud, NDLR) a beaucoup augmenté, voir peut-être doublé », par rapport aux autres jours, indique Ali Issa, qui travaille dans une gare routière à Khartoum.

Il s’agit d’un énième cessez-le-feu dans cette guerre déclenchée le 15 avril entre l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.

Les parties se sont engagées à cesser les violences dans tout le pays pour permettre « l’arrivée de l’aide humanitaire », selon le ministère des Affaires étrangères saoudien.

Le commandement général des forces armées a toutefois déclaré qu’il se réservait le « droit de répondre à toute violation que les rebelles pourraient commettre ».

« Besoins immenses »

« Nous réitérons notre plein engagement en faveur du cessez-le-feu », ont affirmé de leur côté les paramilitaires.

La guerre a déjà fait plus de 1800 morts, selon l’organisation ACLED, spécialisée dans la collecte d’informations dans les zones de conflit, ainsi que deux millions de déplacés et réfugiés selon l’ONU.  

Dans les zones de combat, qui se déroulent principalement dans la capitale Khartoum et la vaste région du Darfour (ouest), les ONG ne cessent d’alerter sur la détérioration de la situation humanitaire.

« À Khartoum, nous estimons que seuls 20 % des établissements de santé fonctionnent encore », a déploré vendredi le patron du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Alfonso Verdu Perez, lors d’une conférence de presse à Genève. Selon lui, « les besoins sont immenses ».

« Si les parties ne respectent pas le cessez-le-feu de 24 heures, les médiateurs devront envisager d’ajourner les discussions de Jeddah », ont prévenu les médiateurs saoudiens et américains qui supervisent des négociations depuis des semaines en Arabie saoudite entre camps rivaux.

Riyad avait déclaré la semaine dernière chercher avec les Américains à « poursuivre les discussions » pour parvenir à un cessez-le-feu « effectif », après que les négociations ont été officiellement suspendues.

Sur le plan diplomatique, le gouvernement soudanais a déclaré cette semaine persona non grata l’émissaire de l’ONU au Soudan, l’Allemand Volker Perthes, l’accusant d’avoir pris partie dans le conflit.

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, a jugé vendredi cette décision « contraire » aux principes des Nations unies et « pas applicable », notant que son statut était « inchangé ».  

Nommée en mai, l’adjointe de M. Perthes, Clémentine Nkweta-Salami, a annoncé samedi sur son compte Twitter avoir présenté ses lettres de créance au ministère soudanais des Affaires étrangères.    

« Je me réjouis de conduire l’équipe des Nations unies dans le pays et de collaborer avec les institutions gouvernementales et les partenaires concernés afin d’alléger les souffrances et fournir une aide vitale au Soudan et au peuple soudanais », a indiqué cette Camérounaise.