(Bamako) Le colonel Assimi Goïta est rentré lundi au Mali avec pour tâche première de nommer un premier ministre de transition, à présent que ses voisins ouest-africains ont paru prendre acte de son accession au pouvoir au prix de deux coups d’État.

L’ancien commandant de bataillon des forces spéciales est revenu du Ghana où les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont réunis dimanche pour un sommet extraordinaire exclusivement consacré au Mali.  

Ils devaient trancher l’épineuse question de la réponse à apporter au deuxième coup de force mené en neuf mois par Assimi Goïta et les colonels putschistes d’août 2020, dans un pays crucial pour la stabilité du Sahel confronté à la propagation djihadiste.

Le colonel Goïta a écarté par la force il y a une semaine le président Bah Ndaw et le premier ministre Moctar Ouane, cautions civiles de la transition ouverte après le coup d’État du 18 août 2020 et censée ramener les civils au pouvoir au bout de 18 mois.

Il s’est ensuite fait déclarer président de transition.

La Cédéao a suspendu dimanche le Mali de ses institutions.

Elle qui avait infligé un embargo commercial et financier au Mali en août 2020 s’est en revanche gardée cette fois de telles sanctions, générales ou visant les colonels.

Elle a certes condamné le coup d’État. Mais elle est restée silencieuse sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui fait d’Assimi Goïta le président.

Fait accompli

Une mission de la Cédéao dépêchée la semaine dernière au Mali avait évoqué l’éventualité de sanctions. La France et les États-Unis, engagés militairement au Sahel, en avaient également brandi la menace.

Mais la Cédéao semble se rabattre sur l’exigence du respect de l’échéance de février 2022 pour la tenue d’élections présidentielles et législatives ramenant les civils au pouvoir. Et la France paraît s’être calée sur ces exigences.

« La Cédéao a fixé des règles qui sont pour nous le minimum. Ni la France ni ses partenaires n’ont vocation à s’engager si les exigences de la Cédéao ne sont pas respectées », a dit le président Emmanuel Macron.

Avant lui, le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian a déclaré que Paris partageait « la priorité absolue accordée par la Cédéao » au respect du calendrier.

De nouvelles mesures coercitives divisaient les dirigeants ouest-africains. En s’en tenant à une riposte largement jugée minimale, la Cédéao entérine la réalité de la présidence Goïta, ont réagi nombre d’experts.  

La Cédéao a décidé « d’acquiescer au fait accompli », a tweeté l’ancien envoyé spécial américain pour le Sahel Peter Pham, et, en ne disant rien sur l’accession du colonel Assimi Goïta à la présidence, « elle l’a implicitement reconnu chef de l’État ».

Avertissement de Macron

En écartant le président et le premier ministre, les colonels ont foulé aux pieds leur engagement, obtenu certes à grand-peine, à une transition conduite par des civils. Ils ont aussi semé le doute sur leur promesse de laisser la place début 2022.

Les élections doivent « à tout prix » être maintenues le 27 février 2022, a dit la Cédéao.

Les colonels vont « tout faire pour respecter » les échéances, a dit à l’AFP Youssouf Coulibaly, conseiller juridique du colonel Goïta, et par ailleurs président d’une influente commission dans le Conseil national de transition (CNT), qui fait office d’organe législatif.

Mais il a envisagé que les délais puissent être trop courts.

« Je pense qu’objectivement, les neuf mois (avant février 2022) ne sont pas suffisants pour la réalisation de tout ce qu’on a comme travail pour arriver à des élections stables et crédibles, qui ne feront l’objet d’aucune contestation », a dit Youssouf Coulibaly, sans qu’apparaisse clairement si ces déclarations reflétaient la réflexion du colonel Goïta.

La Cédéao a aussi appelé à la nomination « immédiate » d’un premier ministre qui soit une personnalité « civile ».  

Le président français, dont le pays déploie environ 5100 soldats au Sahel, a averti dimanche que la France retirerait ses troupes si le Mali allait « dans le sens » d’un islamisme radical, possible mise en garde avant la désignation d’un premier ministre qui se montrerait conciliant avec les djihadistes.

Les colonels se sont dits ouverts au dialogue avec certains chefs djihadistes. Et la personnalité la plus couramment citée pour le poste de chef de gouvernement, Choguel Kokalla Maïga, est considérée comme ayant des rapports étroits avec l’influent imam conservateur Mahmoud Dicko, également favorable à un tel dialogue, rejeté par Paris.

Le colonel Goïta avait déclaré vendredi qu’un gouvernement pourrait être formé dans les prochains jours.