(Beyrouth) Amnistie internationale s’est dite lundi inquiète pour la santé d’un patron de l’agroalimentaire détenu depuis près d’un an en Égypte dans des conditions « s’apparentant à de la torture » et ce pour avoir selon l’ONG refusé de céder sa société à l’État.

Fondateur et actionnaire majoritaire de Juhayna, plus grand producteur de produits laitiers et de jus de fruits d’Égypte, Safouan Thabet, 75 ans, a été arrêté en décembre 2020 et placé depuis en détention préventive, selon l’ONG basée à Londres. Aucune charge n’a été rendue publique par la justice.

Selon le journal d’État égyptien al-Ahram, il est accusé d’être « membre d’un groupe terroriste et de le financer ». Faux, répond Amnistie, il a été arrêté « pour avoir résisté à des responsables de la sécurité qui exigeaient (qu’il) leur transfère ses actifs » dans l’entreprise familiale.

En février 2021, son fils et PDG de l’entreprise, Seif Thabet, 40 ans, a été arrêté à son tour pour le même motif, selon Amnistie.

Emprisonnés et en isolement

Les deux hommes, accusés par les autorités d’être proches des Frères musulmans, sont en détention provisoire et à l’« isolement pour une durée indéterminée », a poursuivi l’ONG de défense des droits humains.

La confrérie des Frères musulmans est considérée comme « terroriste » par les autorités en Égypte.

Amnistie a dit s’inquiéter pour la santé de Safouan Thabet qui « souffre d’ulcères à l’estomac, de cholestérol, de problèmes de foie et d’articulations » et auquel « l’administration pénitentiaire refuse de donner régulièrement nourriture, médicaments et habits ».

L’Égypte « recourt de longue date à un contre-terrorisme fallacieux pour réprimer la dissidence politique et utilise désormais la même tactique pour cibler les hommes d’affaires qui refusent ses saisies arbitraires.

Philip Luther, responsable d’Amnistie pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

L’ONG, qui a eu accès à trois sources proches de Juhayna et des documents judiciaires, a poursuivi qu’il avait été demandé aux deux hommes de transférer leurs parts à une « entité étatique » avant leur arrestation.

Après leur détention, plusieurs chauffeurs de Juhayna ont été « arrêtés […] voire détenus », toujours selon Amnistie.  

60 000 prisonniers d’opinion en Égypte

Le nom de Safouan Thabet figure, d’après l’ONG, sur une liste de 1500 personnes considérées comme « terroristes » et donc interdites de voyage et d’accès à leurs avoirs.

En 2020, le président Abdel Fattah al-Sissi a appelé l’État à mettre l’accent sur la production de produits laitiers tandis que les médias progouvernementaux ont réclamé la nationalisation de Juhayna, rappelle Amnistie.

Selon les ONG, plus de 60 000 détenus d’opinion sont détenus en Égypte, pays régulièrement épinglé sur la question des libertés.