(Washington) Les États-Unis ont annoncé lundi des sanctions contre un haut responsable militaire érythréen pour des exactions attribuées aux forces érythréennes dans le cadre du conflit dans la région éthiopienne au Tigré, des accusations qualifiées d’« inacceptables » par l’Érythrée.

Cette décision intervient au moment où des informations font état d’un nouveau déploiement de troupes érythréennes dans certaines parties du Tigré, dans un contexte d’intensification des combats. Le conflit au Tigré a débuté en novembre 2020 lorsque le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a lancé une opération militaire contre l’ex-gouvernement régional.  

Le général Filipos Woldeyohannes, « chef d’état-major des forces armées érythréennes », est visé pour son rôle de « dirigeant d’une entité engagée dans de graves violations des droits humains commises durant le conflit actuel au Tigré », a indiqué le Trésor américain dans un communiqué.

PHOTO TWITTER

Le général érythréen Filipos Woldeyohannes.

L’armée érythréenne « est responsable de massacres, de pillages et d’agressions sexuelles. Les soldats ont violé, torturé et exécuté des civils », a affirmé le Trésor, indiquant que tous les biens appartenant au général aux États-Unis « sont bloqués » et les citoyens américains ont interdiction de faire des affaires avec lui.

L’Erythrée a réagi avec colère.

« Le gouvernement érythréen rejette, à la fois dans la lettre et dans l’esprit, les allégations totalement sans fondement et le chantage exprimé à son encontre », a indiqué le ministère des Affaires étrangères érythréen dans un communiqué.

« Ce n’est pas la première fois que l’administration américaine mène de telles campagnes diffamatoires sans fondement contre l’Érythrée », a ajouté le ministère en qualifiant ces accusations d’« inacceptables ».

« Face à des accusations répétées et injustifiées, l’Érythrée ne peut rester silencieuse. En ces circonstances, l’Érythrée appelle l’administration américaine à présenter l’affaire à une juridiction indépendante si elle a des éléments pour prouver ses fausses allégations », a-t-il ajouté.

Renforts érythréens

Dans un communiqué séparé, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a appelé le gouvernement érythréen à « retirer d’Éthiopie ses forces militaires immédiatement et de façon permanente ».  

« Parallèlement, les États-Unis continuent d’exhorter toutes les parties au conflit, y compris le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), à mettre fin aux exactions contre les civils, à prendre des mesures pour une désescalade du conflit, à permettre un total accès humanitaire et à des négociations en vue d’un cessez-le-feu », a-t-il poursuivi.

M. Blinken s’est en outre inquiété que d’importantes troupes érythréennes soient de nouveau entrées en Éthiopie après en être parties en juin. Il a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU et la communauté internationale à « plaider ensemble pour une résolution pacifique du conflit ».

Le premier ministre éthiopien a envoyé en novembre 2020 des troupes au Tigré pour destituer les autorités régionales, issues du TPLF. Selon le prix Nobel de la paix 2019, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l’armée fédérale ordonnées par le TPLF.

Il a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais le 28 juin, les forces pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré. Depuis, elles ont poussé vers l’est et le sud, dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara.

L’Érythrée, frontalière du Tigré au nord, est intervenue dès les premiers mois du conflit pour soutenir l’armée éthiopienne.

Son armée est accusée d’atrocités sur les civils tigréens (exécutions sommaires, viols…), et les États-Unis et l’UE ont appelé de manière répétée à son départ. L’Érythrée avait affirmé que ses troupes se retiraient en avril, mais leur retrait n’a pas été total.

Selon un document interne de l’Union européenne daté du 20 août, qu’a pu voir l’AFP, les troupes érythréennes étaient « présentes dans l’ouest du Tigré, où ils ont pris des positions défensives avec des chars et de l’artillerie autour d’Adi Goshu et Humera, et possiblement le long de la frontière avec le Soudan ».

Ce document cite aussi des rapports selon lesquels l’Érythrée a envoyé des renforts dans l’ouest du Tigré au cours des derniers jours tout en continuant d’occuper une partie du territoire dans le nord du Tigré.

Le Tigré se trouve en outre depuis plusieurs mois au cœur d’une grave crise humanitaire, selon les Nations unies, alors que l’aide internationale peine à parvenir en raison de nombreux retards et obstacles administratifs.