(Nkandla) À deux jours de la date limite pour se constituer prisonnier, l’ex-président sud-africain Jacob Zuma a demandé vendredi à la Cour constitutionnelle qui l’a condamné à de la prison ferme pour outrage, de revenir purement et simplement sur sa décision.

L’ancien chef d’État, âgé de 79 ans, a été condamné mardi à 15 mois de prison par la plus haute juridiction du pays, pour avoir à plusieurs reprises refusé de témoigner dans le cadre d’enquêtes pour corruption d’État. Cette décision, qualifiée d’« historique », ne peut pas faire l’objet d’un appel.

Dans un document adressé à la Cour et dont l’AFP a eu copie, Jacob Zuma demande que la décision soit « reconsidérée et annulée ».

Le jugement prévoit que M. Zuma ne se rend pas de lui-même dans un commissariat d’ici dimanche, la police vienne l’arrêter pour le conduire en prison où il purgera sa peine. L’ancien chef d’État a également demandé à un tribunal du Kwazulu-natal où il réside, une suspension de ce délai.

Vendredi, une centaine de personnes étaient rassemblées devant sa résidence de Nkandla, dans la campagne zouloue.

PHOTO EMMANUEL CROSET, AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue sur la résidence de Jacob Zuma à Nkandla

« Nous ne permettrons pas que le président Zuma aille en prison », a martelé Carl Niehaus, un proche et ancien porte-parole du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC). Des vétérans du bras armé de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, fidèles soutiens de Zuma, étaient également postés dans des tentes autour de son domicile.

« Santé instable »

« Nous aimons Nxamala », a dit en zoulou à l’AFP Cecilia Nongce, 43 ans, désignant l’ex-président par son nom de clan. Avec une vingtaine d’autres femmes, elle a parcouru plus de 300 km la nuit dernière pour venir soutenir l’ancien leader charismatique.

Enveloppée dans une couverture traditionnelle, elle campe dans le froid à l’entrée de la propriété de M. Zuma, connue pour avoir été rénovée aux frais des contribuables pour 20 millions d’euros (environ 24,6 millions de dollars canadiens) pendant sa présidence (2009-2018).

Invoquant son « état de santé instable » et « une décision de l’incarcérer qui menace sa vie physique », M. Zuma remet en question dans son recours, la « punition cruelle et dégradante » du jugement comme étant inappropriée pour des faits d’outrage à la justice.

L’ancien chef d’État « invite la Cour à revoir sa décision et à simplement réévaluer si elle a agi dans le cadre de la Constitution ou si elle a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés ».

Selon la professeure en droit public à l’université du Cap, Cathleen Powell, la manœuvre consiste tout simplement à demander aux juges qu’« ils changent d’avis », ce qui n’a que peu de chance d’aboutir.

Armés de drapeaux de l’ANC, des groupes de partisans à Nkandla arboraient des t-shirts avec l’inscription « Wenzeni uZuma ? » en zoulou, « Qu’est-ce que Zuma a fait ? »

PHOTO ROGAN WARD, REUTERS

Guerre de factions

Jacob Zuma est accusé d’avoir pillé l’argent public pendant ses neuf années au pouvoir. Englué dans les scandales, il avait été poussé à la démission.

Depuis la création en 2018 d’une commission d’enquête sur la corruption d’État, l’ex-président, déjà mis en cause par une quarantaine de témoignages, multiplie les manœuvres pour éviter d’avoir à s’expliquer, ce qui l’a envoyé à la case prison.

Certains craignent aussi que la condamnation de l’ancien président n’engendre une grave crise politique au sein de l’ANC. Déjà miné par une guerre de factions, l’ancien chef d’État y compte encore de fidèles soutiens opposés à l’actuel président.

Le parti a annulé une réunion de ses dirigeants prévue ce weekend, déclarant dans un communiqué être « conscient de la situation qui se développe au Kwa-Zulu Natal » et de la nécessité « de donner une direction claire ».

Successeur de M. Zuma, Cyril Ramaphosa a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille, mais il a lui-même été appelé à témoigner devant la commission.

Jacob Zuma est également jugé pour une affaire de pots-de-vin de plus de 20 ans. Il est accusé d’avoir empoché plus de quatre millions de rands (près de 346 000 dollars canadiens) du français Thalès, qui était l’une des entreprises attributaires d’un juteux contrat d’armement d’une valeur globale d’environ 2,8 milliards d’euros.