L'opposant gabonais Jean Ping n'avait toujours pas déposé jeudi de recours contre la réélection annoncée du président Ali Bongo lors de la présidentielle du 27 août, à quelques heures de la clôture du délai légal de contestation devant la Cour constitutionnelle.

Mercredi, à la veille de la date butoir - fixée ce jeudi à 16h00 (11h00 à Montréal)) mais qui pourrait être toutefois être décalée de quelques heures - M. Bongo a confirmé qu'il allait lui-même saisir la Cour sur certains résultats obtenus par M. Ping.

En face, l'opposant entendait retarder jusqu'au dernier moment l'annonce publique de son choix: aller devant la Cour constitutionnelle - décriée par son camp comme étant inféodée à la présidence -, ou faire l'impasse. Et dans ce cas s'en remettre à la rue pour gagner son bras de fer avec le pouvoir.

Le camp Ping réclame toujours un recomptage des voix avant tout recours devant la Cour. Mais le président sortant a définitivement fermé la porte à cette possibilité, en mettant en avant la loi et les dispositions de la Constitution.

«Si nous allons devant la Cour constitutionnelle, nous entrons dans un piège d'où nous ne sortirons plus», expliquait mercredi soir à des journalistes un proche de M. Ping, affirmant: «les dés sont totalement pipés avec la Cour», comparant l'institution à «la tour de Pise qui penche toujours du même côté».

Mais reconnaissait-il, «il vaut mieux faire cette saisine-là pour rester jusqu'au bout dans le cadre légal. C'est ce que demandent la France, les États-Unis et l'Union européenne» (UE), rappelait-il en espérant «que la pression internationale pourra se faire» pour un examen équitable des recours.

La France, ancienne puissance coloniale, a d'ailleurs clairement rappelé la position de la communauté internationale à ce sujet jeudi matin.

Gagner du temps

Paris «souhaite que toutes les possibilités de recours soient engagées et que toutes les vérifications soient faites» sur les résultats contestés de la présidentielle à un tour du 27 août ayant précipité le pays dans la crise, a insisté le porte-parole du gouvernement français Stéphane Le Foll, à l'issue du Conseil des ministres.

«Nous ne sommes plus dans la situation d'avant, il n'y a plus de Françafrique. La France n'est plus là pour décider à la place des pays africains, elle est là pour aider à trouver une solution et appuie la mission de l'Union africaine», a-t-il ajouté.

Une délégation de chefs d'État de l'Union africaine (UA) est attendue avant la fin de la semaine dans la capitale gabonaise pour participer aux efforts d'une sortie de crise pacifique après les émeutes meurtières et les pillages massifs qui ont suivi la semaine dernière l'annonce, selon les résultats officiels provisoires, de la réélection de M. Bongo à un deuxième septennat.

La saisine de la Cour offre un délai supplémentaire pour une médiation car le tribunal a quinze jours pour examiner les recours et proclamer les résultats définitifs du scrutin.

Nombre de Gabonais redoutent une nouvelle explosion de violences à ce moment-là vu l'étroitesse des résultats et les accusations de fraudes.

Pour la communauté internationale, l'attention se focalise sur la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo, qui dirige le pays depuis près de 50 ans.

«Une analyse portant sur le nombre de non-votants et des bulletins blancs et nuls révèle une évidente anomalie dans les résultats finaux du Haut-Ogooué», avait indiqué mardi la chef de la mission d'observation de l'UE à l'élection, Mariya Gabriel.

Mercredi, le président Bongo a sèchement répondu que certains observateurs «avaient outrepassé leur mission».

Cette province, selon les résultats officiels provisoires, a enregistré un taux de participation de 99,93% et 95% des voix pour Ali Bongo, lui permettant d'être réélu d'une courte tête (5594 voix d'avance).