Le président sud-africain Jacob Zuma, dans la tempête depuis que la justice l'a reconnu coupable de violation de la Constitution, a survécu mardi à une procédure de destitution lancée par l'opposition qui l'accuse d'être «un escroc» et le «cancer de la politique».

Le chef de l'État a pu compter sur le soutien sans faille des députés de son parti, le Congrès National Africain (ANC), qui ont usé de leur large majorité au Parlement pour rejeter cette motion.

«L'histoire se rappellera que les députés de l'ANC ont choisi de défendre un escroc, au lieu de défendre la Loi suprême» en votant contre la destitution, a lancé Mmusi Maimane, le leader du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), en amont d'un vote dont le résultat ne faisait aucun doute.

«La corruption à l'ANC a contaminé l'ensemble du parti, comme un cancer (...). Ce n'est plus l'organisation qui avait produit» feu Nelson Mandela ou encore Ahmed Kathrada, héros de la lutte anti-apartheid, a-t-il ajouté.

Jacob Zuma, au coeur de plusieurs scandales, reste toutefois sous très forte pression à trois ans de la fin de son second mandat. Les élections municipales qui doivent se tenir cette année feront figure de test pour celui qui encaisse pour le moment les coups sans vaciller.

La procédure de destitution avait été lancée par la DA après un jugement historique la semaine dernière de la Cour constitutionnelle.

La plus haute instance judiciaire du pays a jugé que le chef de l'État avait violé la Constitution en refusant de rembourser une partie des 20 millions d'euros (près de 30 millions de dollars CAN) d'argent public utilisé pour rénover sa propriété privée. En cause : une piscine, un centre pour visiteurs, un enclos pour bétail et un poulailler, qu'une enquête préliminaire du ministère de la Police avait présentés comme «des travaux de sécurité», suscitant les moqueries de l'opposition.

«République bananière»

«Quand la plus haute juridiction a statué que l'homme occupant la fonction suprême a violé la Constitution, ça aurait dû être la fin du président Zuma», a estimé mardi Mmusi Maimane.

«Zuma et l'ANC veulent transformer l'Afrique du Sud en république bananière», a accusé pour sa part Julius Malema, chef du parti de la gauche radicale des Combattants de la liberté économique (EFF), portant comme à son habitude une combinaison rouge de mineur.

À l'issue du vote marqué par des débats houleux et une interruption de séance de plus d'une heure, les députés de l'opposition ont quitté le Parlement.

Plusieurs membres historiques de l'ANC et compagnons de lutte de Nelson Mandela ont appelé Jacob Zuma à démissionner et son propre ministre des Finances, le respecté Pravin Gordhan, a aussi pris position publiquement sur le sujet.

«Une fois que vos actions sont jugées contraires» à la Constitution, «on doit réaliser qu'on s'éloigne de son devoir de servir le peuple», a-t-il lâché lundi.

Mais officiellement, l'ANC reste toujours soudé derrière Zuma, comme le montre le résultat du vote de mardi où la motion qui nécessitait les deux tiers des voix pour être acceptée, a été rejetée par 233 voix contre et 143 voix pour.

«Le président a présenté ses excuses et assuré la nation qu'il avait agi de bonne foi», a défendu mardi au Parlement le vice-ministre de la Justice, John Jeffery.

Vendredi soir, alors que les appels à la démission de Jacob Zuma battaient leur plein, le président s'est adressé, fait rarissime, à la nation, laissant penser un temps qu'il allait peut-être céder à la pression. Mais le chef de l'État a simplement reconnu avoir commis une faute constitutionnelle et éludé toute idée de démission.

Il s'est engagé à rembourser les frais qui lui incombent dans sa propriété de Nkandla (est), avant de faire porter à «ses conseillers juridiques» la responsabilité de son erreur.

Surnommé le «président Téflon» - l'homme sur lequel les scandales glissent sans accrocher -, Jacob Zuma s'était déjà extirpé d'un autre scandale de corruption, avant d'accéder au pouvoir.

En 2006, il avait été poursuivi par la justice dans une histoire de corruption impliquant la société française d'armement Thales. Soupçonné d'avoir accepté des pots-de-vin pour favoriser les intérêts de Thales en Afrique du Sud, les charges avaient finalement été abandonnées en 2009, pour vice de forme.

PHOTO SCHALK VAN ZUYDAM, AP

«Maintenant que la Cour a statué clairement qui a foutu la pagaille [Jacob Zuma, NDLR], vous voulez qu'on continue comme si c'était "business as usual"», a lancé Julius Malema, chef du parti de gauche radicale des Combattants de la liberté économique (EFF), portant comme à son habitude une combinaison rouge de mineurs.