Quatre-vingt-sept personnes ont été tuées vendredi lors des attaques coordonnées de trois camps militaires au Burundi, a déclaré samedi l'armée, le bilan le plus lourd depuis un coup d'État manqué en mai dans ce pays plongé dans une profonde crise politique.

« Le bilan final des attaques d'hier est de 79 ennemis tués, 45 prisonniers et de 97 armes saisies. De notre côté, huit soldats et policiers ont été tués et 21 blessés », a dit le porte-parole de l'armée burundaise, le colonel Gaspard Baratuza, à l'AFP.

Un premier bilan des militaires avait fait état vendredi de 12 rebelles tués et 21 capturés. Mais, samedi au matin, des habitants de Bujumbura avaient découvert horrifiés une quarantaine de corps au moins dans les rues de quartiers réputés pour leur opposition au président Pierre Nkurunziza.

« Les combats se sont poursuivis pendant la nuit et les cadavres trouvés dans ces quartiers ce matin sont ceux d'ennemis », a dit le porte-parole militaire interrogé par téléphone.

Dans plusieurs quartiers, les habitants ont accusé les forces de l'ordre d'avoir arrêté vendredi tous les jeunes qu'ils rencontraient et de les avoir exécutés délibérément, plusieurs heures après les attaques à l'aube par des insurgés de trois camps militaires de la capitale.

Certaines victimes avaient les bras liés derrière le dos, d'autres avaient été tués à bout portant, selon des témoins interrogés par l'AFP par téléphone depuis Nairobi.

Le colonel Baratuza s'est refusé à tout commentaire sur les combats et les circonstances dans lesquelles les victimes avaient trouvé la mort.

Le gouvernement a fait ramasser les corps samedi dans les rues de Bujumbura et, selon certaines sources, ils ont été enterrés à la hâte dans des fosses communes « pour empêcher la propagation de maladies ».

Mais des habitants ont accusé les autorités de vouloir faire disparaître les preuves d'un massacre qui aurait été perpétré par les forces de sécurité, un soupçon relayé par un diplomate européen.

Ces violences sont les pires enregistrées au Burundi depuis un coup d'État manqué en mai, déclenché par la candidature controversée du président Nkurunziza à un troisième mandat, qu'il a obtenu à l'élection qui a suivi en juillet.

Depuis le début des troubles fin avril, des centaines de personnes ont été tuées et plus de 200 000 personnes ont quitté le pays, selon l'ONU.

« La tête explosée »

Samedi matin, les cadavres d'au moins quarante jeunes tués par balle, souvent à bout portant, avaient été découverts dans les rues de Bujumbura, selon les résidents interrogés par l'AFP.

À Nyakabiga, un quartier contestataire du centre, des journalistes burundais et plusieurs témoins ont rapporté avoir vu 20 cadavres.

« Certains de ces jeunes ont la tête totalement explosée, pour d'autres la balle est entrée par le haut du crâne, c'est une horreur absolue, ceux qui ont commis ça sont des criminels de guerre », s'est insurgé un journaliste sous couvert d'anonymat.

Selon une femme d'une cinquantaine d'années de Nyakabiga, « des policiers sont venus dans notre parcelle, ont forcé la porte et emmené de force tous les jeunes gens qui y vivent, avant de nous piller ».

À Musaga, un quartier contestataire du sud, « j'ai déjà compté de mes yeux 14 cadavres de jeunes exécutés cette nuit par les soldats et les policiers », a assuré un fonctionnaire sous couvert d'anonymat.

« La plupart des personnes tuées sont des domestiques ou des jeunes chefs de famille qui étaient chez eux, c'est un carnage, il n'y a pas d'autre mot », s'est indigné un habitant de Nyakabiga.

Malgré ce lourd bilan, des milliers de partisans du pouvoir ont célébré samedi à Bujumbura et dans d'autres villes « la victoire de nos vaillants soldats et policiers contre l'ennemi » lors d'une « marche pour la paix » à l'initiative du ministère de l'Intérieur.

Le Burundi a plongé dans une grave crise depuis l'annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat que l'opposition, la société civile et une partie de son camp estiment contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile (1993-2006).

La détérioration de la situation a alarmé la communauté internationale. Vendredi, le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné les attaques contre les camps militaires et appelé au calme et au dialogue politique « afin de mettre fin au cycle de violences et de représailles ».