Le Tchad, un des pays africains fortement impliqués dans la lutte antijihadistes, va envoyer des troupes chez son voisin camerounais pour l'aider à combattre les islamistes nigérians de Boko Haram qui multiplient les raids meurtriers dans l'extrême-nord du Cameroun.

«Le président de la République du Cameroun, Paul Biya, annonce que (...) M. Idriss Deby Itno, président de la République du Tchad, a décidé d'envoyer un important contingent des forces armées tchadiennes pour venir en appui aux forces armées camerounaises qui font face avec courage, détermination et une vaillance reconnue de tous aux attaques répétées de la secte terroriste Boko Haram» sur le sol camerounais, a indiqué jeudi soir un communiqué du porte-parole du gouvernement camerounais, Issa Tchiroma Bakary.

Le communiqué ne précise ni les effectifs du contingent tchadien, ni la date de son déploiement au Cameroun.

Au Cameroun, la passivité du Nigeria et de la communauté internationale face à la progression de Boko Haram est très critiquée, suscitant un sentiment d'isolement grandissant.

«Crime contre l'humanité»

Cette annonce est intervenue quelques heures après l'accusation lancée par le secrétaire d'État américain John Kerry, que Boko Haram a commis «un crime contre l'humanité», évoquant l'attaque de début janvier qui a été la plus destructrice depuis 2009.

Selon l'organisation Amnesty international, des centaines de personnes, «voire plus», pourraient avoir été tuées par les insurgés durant la destruction de Baga, carrefour commercial du nord-est du Nigeria au bord du lac Tchad, et ses environs, dans une offensive lancée le 3 janvier par les insurgés.

Boko Haram s'est emparé ces derniers mois de vastes territoires dans le nord du Nigeria et poursuit ses attaques sanglantes quasi quotidiennement. À l'approche de l'élection présidentielle nigériane, le groupe multiplie également les raids meurtriers en territoire camerounais.

Lundi encore, d'intenses combats ont éclaté autour d'un camp militaire au Cameroun, opposant soldats camerounais à des centaines d'islamistes venus du Nigeria voisin. Selon le gouvernement camerounais, «143 terroristes» et un soldat ont été tués tandis qu'un important arsenal de guerre a été saisi.

Le Tchad a jusqu'à présent été épargné par les attaques de Boko Haram, mais seule l'étroite bande de terre formée par l'extrême-nord du Cameroun - une cinquantaine de kilomètres - sépare N'Djamena de l'État nigérian de Borno, fief des islamistes.

«Intérets vitaux» du Tchad en jeu

L'engagement des soldats tchadiens «s'inscrit dans le cadre des excellentes relations d'amitié et de bon voisinage qui unissent le Cameroun et le Tchad», tous deux frontaliers du nord-est du Nigeria, fief de Boko Haram, souligne dans le communiqué M. Biya.

Ce dernier «salue chaleureusement ce geste de fraternité et de solidarité (de M. Deby) qui s'inscrit dans l'engagement constant des deux chefs d'État en faveur de la stabilité, de la paix et de la sécurité de leurs pays et de leurs peuples respectifs».

Mercredi, le Tchad avait proposé un «soutien actif» à Yaoundé pour lutter contre Boko Haram, exhortant la communauté internationale à agir.

Début 2013, le président Déby avait engagé ses troupes en première ligne au nord Mali, aux côtés de l'armée française, face aux groupes djihadistes qui menaçaient de s'emparer de Bamako.

En août 2014, dans le cadre de la lutte contre ces groupes djihadistes au Sahel, la France - cible la semaine dernière d'attentats revendiqués par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) - a déployé avec cinq pays de la région - Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie - un nouveau dispositif miliaire, appelé Barkhane, fort de 3000 hommes, dont l'état-major est installé à N'Djamena.

Face à la détérioration de la situation dans l'extrême-nord du Cameroun, «qui menace dangereusement la sécurité et la stabilité du Tchad et porte atteinte à ses intérêts vitaux, le gouvernement tchadien ne saurait rester les bras croisés», avait indiqué mercredi le gouvernement tchadien.

Le Tchad, pays enclavé, a en effet pour débouché maritime le port camerounais de Douala et la route stratégique Douala-N'Djamena est désormais sous la menace permanente d'attaques de Boko Haram.