Un responsable de l'opposition a été arrêté mardi en République démocratique du Congo (RDC) au lendemain d'une manifestation organisée contre toute révision de la Constitution qui permettrait au président Joseph Kabila de rester au pouvoir après 2016.

Le député Jean-Bertrand Ewanga, secrétaire général de l'Union pour la nation congolaise (UNC), troisième parti d'opposition, était l'un des principaux orateurs lors du rassemblement de lundi à Kinshasa.

Mardi en début d'après-midi, il a été transféré à la Cour suprême de justice après avoir été «arrêté ce matin très tôt à son domicile à Kinshasa suite à la réunion» de lundi, a annoncé sur son compte Twitter Lydie Omanga, chargée de communication de Vital Kamerhe, le président de l'UNC.

Selon l'un des avocats du député, Me Berger Tsasa, M. Ewanga est accusé d'«outrage au chef de l'État et incitation à la haine tribale».

Il s'agit d'une manoeuvre pour «chercher à affaiblir l'opposition, affaiblir l'UNC et son président» Vital Kamerhe, ancien proche collaborateur de M. Kabila devenu l'une des principales figures de l'opposition, a dénoncé le député de l'UNC et avocat Jean-Baudouin Mayo.

Mardi soir, la Cour n'a «pas vidé le fond de l'affaire» concernant «l'exception d'inconstitutionnalité de la procédure de flagrance initiée», a déclaré Me Mayo à l'AFP au sortir de l'audience.

Elle «va envoyer le dossier à la cour constitutionnelle», qui n'est pas encore opérationnelle, a-t-il ajouté.

Elle a par ailleurs ordonné «l'assignation en résidence surveillée» de l'accusé.

Devant la Cour, des centaines de partisans de l'opposant se sont massés pour voir s'il était bien reconduit chez lui, donnant du fil à retordre à l'important dispositif policier, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Ultimatum

Des proches du député ont expliqué que des agents, dont des policiers, se sont «introduits chez lui à 6 h (1 h à Montréal) munis d'un mandat d'amener délivré par le procureur au motif d'incitation à la haine», a indiqué l'UNC.

Mardi matin, le ministre de l'Intérieur, Richard Muyej, a déclaré à des journalistes que M. Ewanga a «abusé de sa liberté d'expression» et «est allé un peu loin».

Dans l'après-midi, un groupe d'opposants a exigé la libération «sans condition» du député «dans les 24 heures», faute de quoi, les signataires et leurs militants «se constitueront prisonniers».

Lydie Omanga, de l'UNC, a dénoncé une arrestation «illégale» et «arbitraire», car «l'Assemblée, en congé, ne siège pas» et ne peut donc «pas lever son immunité».

Interrogé par l'AFP, Aubin Minaku, président de l'Assemblée nationale, a expliqué que, selon la «Constitution et le règlement intérieur de l'Assemblée, en cas d'infraction flagrante, même un député peut immédiatement être arrêté et poursuivi devant les juridictions» congolaises.

L'interpellation de M. Ewanga s'étant déroulée environ 15 heures après la fin du rassemblement des opposants, peut-on encore parler de flagrance? M. Minaku a indiqué que «le parquet [lui] avait spécifié qu'il se trouvait dans un cas d'espèce de flagrance», sans plus de précision.

Lundi, des milliers de personnes s'étaient réunies dans l'est de la capitale, à l'appel d'une dizaine de partis de l'opposition et d'organisations de la société civile hostiles à toute modification de la Constitution qui permettrait au président Kabila de briguer un troisième mandat.

«Nous disons non à la modification de la Constitution», avait déclaré le député Ewanga, appelant le chef de l'État à «partir» en 2016, à la fin de son deuxième mandat.

Bruno Mavungu, secrétaire général de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le premier parti d'opposition, avait pour sa part affirmé qu'il n'était «pas question d'attendre 2016». «Son départ, c'est maintenant», avait-il lancé à propos du chef de l'État.

Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001, a été élu en 2006 au terme des premières élections libres du pays et a été réélu en 2011 dans des circonstances contestées. Selon la Constitution, il ne peut pas se représenter en 2016, mais l'opposition soupçonne son camp de manoeuvrer pour changer la donne.

L'initiative de toucher à la Constitution revient en premier lieu au président, mais peut aussi venir du gouvernement, du Parlement ou d'une pétition ayant réuni 100 000 signatures.

Le président Kabila se trouve actuellement à Washington pour le sommet États-Unis/Afrique. Les États-Unis ont plusieurs fois insisté pour qu'il respecte la Constitution actuelle.