Les combats s'intensifiaient dimanche dans plusieurs régions au Soudan du Sud alors que les négociations directes prévues entre les deux camps qui s'affrontent depuis trois semaines tardaient à s'ouvrir en Éthiopie.

Le porte-parole de l'armée du Soudan du Sud, Philip Aguer, a signalé des affrontements dans les États d'Unité et du Haut-Nil, dans le nord, affirmant que les forces régulières avançaient vers leurs capitales aux mains des rebelles.

Des négociations directes entre représentants du président Salva Kiir et son rival, l'ex-président Riek Machar, dont les troupes s'affrontent depuis le 15 décembre, étaient prévues à 6h00 (heure de Montréal) dans la capitale éthiopienne, après une ouverture formelle des pourparlers la veille, selon Addis Abeba.

En visite dimanche à Jérusalem, le secrétaire d'État américain, John Kerry, a réclamé des négociations «sérieuses» qui ne soient pas «une manière de gagner du temps, un stratagème» pour prendre l'avantage militaire.

Sur le terrain, les forces de l'armée soudanaise (SPLA) «avancent» vers Bentiu, capitale de l'État stratégique riche en pétrole de l'Unité, dans le nord, aux mains des rebelles, a affirmé M. Aguer.

Il a affirmé également qu'il y avait des affrontements dans un champ pétrolifère près de Malakal, dans l'État du Haut-Nil, également dans le nord, ainsi que dans l'État de Jonglei, dans le centre, où les forces gouvernementales tentaient toujours de reprendre la capitale Bor. Selon le porte-parole de l'armée, les soldats gouvernementaux n'étaient plus qu'à 15 km dimanche de la ville, située à seulement 200 km au nord de Juba.

«C'est une question de temps. Nos forces avancent vers Bor», ville stratégique qui a changé de main trois fois depuis le début des affrontements.

Néanmoins, le porte-parole a admis que l'armée régulière avait connu deux défections. Une unité de la ville de Yei, au sud de Juba, est passée dans le camp de la rébellion, abandonnant plusieurs véhicules militaires. Une autre défection a eu lieu dans l'État de l'Équateur occidental, dans le sud-ouest, qui avait été jusqu'ici plutôt épargné par les combats.

Toutefois, M. Aguer a assuré que le gouvernement «contrôlait la plus grande partie du pays», répétant que la situation était «sous contrôle». «Nous disons avec confiance que le Soudan du Sud est relativement stable», a-t-il ajouté.

Mais dans la capitale du pays, Juba, des explosions et d'intenses échanges de tirs à l'arme lourde et automatique ont résonné pendant plusieurs heures dans la nuit de samedi à dimanche, dans un quartier où sont situés le palais présidentiel, le parlement et la plupart des ministères, a constaté un journaliste de l'AFP.

Ces combats, qui ont cessé dimanche dans la matinée, ont provoqué la fuite d'habitants vers la frontière ougandaise.

Face à la poursuite des combats, le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom, a déclaré samedi soir à Addis Abeba que le «souhait de tous» était que «les négociations directes vers la paix au Soudan du Sud, qui sont officiellement ouvertes, soient un succès».

«Le Soudan du Sud mérite la paix et le développement, et non la guerre», a-t-il ajouté.

«Le gouvernement sud-soudanais et l'opposition se sont engagés à régler leurs différends politiques par le dialogue», a ajouté Seyoum Mesfin, envoyé spécial de l'Igad, le bloc des pays d'Afrique de l'Est qui assure la médiation.

Mais le ministre sud-soudanais de l'Information Michael Makuei, a réitéré dimanche les accusations de tentative de «coup d'État» à l'encontre de M. Machar et a rejeté l'idée de libérer des dirigeants rebelles prisonniers, comme le lui a demandé l'Igad «en signe de bonne volonté».

Plusieurs milliers de civils touchés par le conflit

L'Union européenne a quant à elle demandé une «libération accélérée de tous les dirigeants politiques détenus à Juba».

«Il nous est demandé de négocier avec les rebelles. Mais tout rebelle qui est tombé entre nos mains devra répondre à la question de savoir pourquoi il ou elle a pris les armes contre un gouvernement démocratiquement élu», a souligné M. Makuei.

Le chef de la délégation de Juba, Nhial Deng Nhial, avait promis auparavant de «tout faire» pour trouver une solution pacifique, mais a averti que le gouvernement «avait une obligation de rétablir la paix et la sécurité par tous les moyens disponibles».

Son homologue rebelle, Taban Deng, s'est dit prêt à négocier un cessez-le-feu et a aussi demandé que soient abordées «les questions politiques».

Le conflit au Soudan du Sud - dont l'économie repose sur l'exploitation du pétrole - aurait déjà fait des milliers de morts.

Les combats ont commencé quand M. Kiir a accusé M. Machar - limogé de son poste en juillet 2013 - d'avoir tenté un coup d'État. M. Machar a rejeté cette accusation, reprochant au président d'avoir voulu éliminer ses rivaux. La rivalité politique se double d'un conflit entre ethnies, Dinka de M. Kiir et Nuer de M. Machar.

Les rebelles ont pris le contrôle de plusieurs régions du Nord, riches en pétrole.

Les conflits dans ce pays enclavé de près de 11 millions d'habitants, indépendant depuis 2011, aurait déjà fait des milliers de morts et forcé environ 200 000 personnes à fuir leurs foyers, selon l'ONU.

«Davantage de gens sont arrivés dans nos camps à Juba (...) Nous accueillons désormais 30 000 personnes dans la seule capitale», a déclaré le coordinateur humanitaire de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer, ajoutant que la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) allait «renforcer sa présence».