Unis dans un hommage poignant à Nelson Mandela, François Hollande et ses pairs africains ont promis vendredi à Paris de s'inspirer de l'héritage du premier président noir sud-africain pour faire progresser la défense commune du continent où Paris vient d'engager sa deuxième action militaire en moins d'un an.

Drapeaux en berne, photos géantes, rassemblements et avalanche de réactions: la mort jeudi soir de «Madiba» a bouleversé le cours du sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, convoqué de longue date par le chef de l'État français.

«Le monde est en deuil (...). Nelson Mandela a changé bien plus que l'Afrique du Sud, il a accéléré le cours du monde», a lancé François Hollande. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, présent au sommet, a célébré en l'ancien prix Nobel de la paix «l'une des figures humaines les plus importantes de notre époque», un «modèle» dont il faut «s'inspirer».

Invitée en raison des circonstances à prendre la parole, la chef de la diplomatie sud-africaine Maite Nkoana-Mashabane a exhorté l'Afrique et la communauté internationale à travailler de concert «pour que son rêve devienne une réalité».

«Nous devons discuter ensemble pour trouver des solutions africaines aux problèmes africains», a-t-elle affirmé, reprenant à son compte l'objectif premier fixé à ce sommet par le président Hollande.

La quarantaine de chefs d'État et de gouvernement présents ont ensuite observé debout une minute de silence, devant une photo en pied de l'ancien dirigeant sud-africain, le poing levé et le visage souriant.

«L'Afrique doit maîtriser pleinement son destin et, pour y parvenir, assurer pleinement par elle-même sa sécurité», a insisté le chef de l'État français, quelques heures après le déclenchement d'une opération militaire française en Centrafrique, où seront déployés 1200 soldats dans les tout prochains jours, moins d'un an après l'engagement de plus de 4000 militaires au Mali en janvier.

Jeudi, des soldats français ont tué plusieurs personnes à Bangui, qui avaient ouvert le feu dans leur direction et sur des civils, selon l'armée française. De violents affrontements avaient éclaté dans la matinée, faisant plusieurs dizaines de morts.

Comme plusieurs de ses homologues présents à Paris, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a salué l'engagement français à Bangui, un «devoir historique» selon lui de l'ancienne puissance coloniale.

La France «pompier» de l'Afrique

Pour la France, ces coûteuses interventions démontrent la nécessité pour les Africains de se doter d'une capacité de défense commune.

Un avis partagé par le président guinéen Alpha Condé, pour qui il n'est «pas normal» que «la France soit obligée d'intervenir en pompier pour nous sauver».

Annoncée en mai par l'Union africaine, la création d'une force de réaction rapide -  baptisée Capacité africaine de réaction immédiate aux crises (CARIC) - est relancée à l'occasion du sommet de Paris, avec un objectif de mise en oeuvre en 2015, selon le ministère français de la Défense.

«La France est disposée à apporter tout son concours à cette force» en fournissant «des cadres militaires» et en participant «à des actions de formation», a annoncé le président français. «La France peut entraîner chaque année 20 000 soldats», a-t-il assuré.

Pour l'Ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le sommet de Paris doit aussi permettre de «dire que tous ceux qui profitent des richesses de l'Afrique doivent aussi contribuer à sa sécurité».

Car, a-t-il souligné, «quoi qu'on dise de l'influence grandissante de la Chine, des États-Unis ou du Brésil, ces pays ne sont pas engagés chez nous sur le front de la défense et de la sécurité. Ils ne prennent pas les mêmes risques que la France».

Pour Paris, l'enjeu de la sécurité du continent est primordial. «La sécurité de l'Afrique, c'est aussi la sécurité de l'Europe», répètent à l'envi les responsables français, mettant en avant une «proximité» géographique mais aussi des menaces communes (terrorisme, piraterie maritime ou trafics).

L'Europe et l'Afrique doivent «être ensemble pour conjurer ces risques et dominer ces menaces», a insisté François Hollande.

Lors de la réunion, les participants ont aussi abordé les questions de la lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée, devenue zone d'insécurité, et une meilleure coordination sur la sécurisation des frontières, selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Au total, 53 pays africains sont représentés au sommet de Paris, seul le Zimbabwe ayant décliné l'invitation. Son président Robert Mugabe a été jugé persona non grata par Paris, tout comme cinq autres chefs d'État (Soudan, Guinée-Bissau, Centrafrique, Madagascar et Égypte).

Pour François Hollande, il s'agit de montrer que la France est sortie de son face-à-face, parfois trouble voire opaque, avec ses anciennes colonies, une «rupture» déjà promise à plusieurs reprises par Paris.

«Dans les faits, il n'y a pas de "nouvelle" politique». «La politique africaine de la France, c'est toujours celle des militaires français», juge toutefois Antoine Glaser, expert des relations franco-africaines.