Cachées dans les bosquets, se déplaçant la nuit, des centaines de milliers de personnes tentent de déjouer la mort en République centrafricaine.

Dans l'ouest et le nord du pays, les routes appartiennent aux milices Séléka, qui ont pris le pouvoir dans un coup d'État, en mars, et terrorisent la population depuis.

«Viols, exécutions d'hommes, de femmes et d'enfants, villages incendiés: la situation est grave et se détériore davantage chaque jour», explique à La Presse Rona E. Peligal, vice-directrice, division Afrique, de Human Rights Watch, à New York.

La population centrafricaine est largement laissée à elle-même. On dénombre 200 policiers dans ce pays de plus de 5 millions d'habitants, où près d'un demi-million de personnes ont quitté leur maison ces derniers mois.

Le Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU a dit qu'il s'agissait de la «crise la plus négligée du monde».

Hier, la France a annoncé l'envoi d'une force temporaire de 1000 soldats en République centrafricaine.

«Un millier de soldats français vont être déployés en Centrafrique pour une période brève, de l'ordre de six mois à peu près», afin de rétablir l'ordre en appui à une force africaine, a annoncé le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a noté que l'intervention vise à contrer «un risque d'implosion dans tous les domaines» dans l'ancienne colonie française, indépendante depuis 1960.

«Si le vide et l'implosion s'installent, ça va concerner tous les pays de la région, c'est-à-dire le Tchad, les Soudans, le Congo, le Cameroun. C'est pour cela que la communauté internationale et les Africains disent: il faut mettre le holà», a-t-il ajouté.

L'ONU étudie aussi l'envoi d'une force internationale. Dans un premier rapport examiné lundi par les 15 membres du Conseil de sécurité, Ban Ki-moon avait évoqué le déploiement de 6000 à 9000 Casques bleus. Mais jusqu'à présent, plusieurs pays, notamment les États-Unis et la Grande-Bretagne, semblaient réticents à financer une nouvelle opération de maintien de la paix en Afrique.

Après des mois de violences, les forces de l'opposition s'organisent. Connues sous le nom des rebelles anti-balaka, des milices chrétiennes ont elles-mêmes pillé et brûlé des villages musulmans, religion des miliciens Séléka. Des organisations chrétiennes sur place et des officiels de l'ONU ont dit qu'un génocide pourrait balayer le pays si rien n'est fait.

Chaos

La BBC rapportait cette semaine que 1,1 million de personnes vivant à l'extérieur de la capitale, Bangui, avaient du mal à trouver de quoi manger. Dans la ville de Bossangoa, dans le nord-ouest du pays, quelque 37 000 chrétiens ont tenté de trouver de la sécurité dans des abris de fortune autour de la mission catholique de l'endroit.

Des forces de l'Union africaine (UA) ont été déployées, mais l'ampleur du conflit dépasse les compétences de ces soldats, souvent mal entraînés et qui disposent de moyens limités, note Rona E. Peligal.

«Au départ, notre position était d'appuyer les forces de l'Union africaine, mais elles ne se sont pas montrées à la hauteur. Aujourd'hui, nous demandons une intervention des Casques bleus de l'ONU. Ce sont les seuls qui peuvent apporter de la sécurité aux citoyens.»

Premier président musulman du pays, Michel Djotodia a officiellement dissous les milices Séléka qui l'ont porté au pouvoir, mais elles opèrent toujours, en toute impunité. Human Rights Watch a appelé à la suspension immédiate du gouvernement Djotodia.

Ancienne colonie française, la République centrafricaine est un État dysfonctionnel: depuis son accession à l'indépendance, il y a un peu plus de 50 ans, le pays a connu huit coups d'État. Il possède une vaste forêt vierge, qui alimente l'industrie du bois, et des mines de diamant, industries qui ont exacerbé l'instabilité du pays.

Hier, Human Rights Watch (HRW) a diffusé une photo satellite de Camp Bangui, un village situé près d'une mine d'or dans une zone reculée du pays. On peut voir sur l'image que plus de 235 habitations ont été incendiées, soit la moitié du village.

Le général Abdallah Hamat, qui contrôle la région, avait dit à HRW que seulement quatre bâtiments avaient été incendiés durant des combats à Camp Bangui plus tôt ce mois-ci. HRW dit avoir des images satellites montrant que 15 autres villages ont récemment été incendiés en République centrafricaine.

La République centrafricaine

> Population : 5,1 millions d'habitants

> Capitale : Bangui (Près de 1 200 000 habitants)

> Langues officielles : français, sango

> Président : Michel Djotodia (dictature)

> PIB par habitant : 350 dollars US

> Religions : 80 % de la population est chrétienne, 10 % musulmane et 10 % animiste

- Avec  l'Associated Press