Les insurgés islamistes shebab ont averti jeudi l'ONU qu'elle ne trouverait «aucun refuge sûr» en Somalie, au lendemain d'une attaque suicide spectaculaire à Mogadiscio qui a fait 18 morts, mais le président somalien a promis d'avancer malgré tout vers la paix.

Un commando shebab est parvenu à pénétrer mercredi dans le complexe de l'ONU, situé sur un axe majeur de Mogadiscio reliant l'aéroport au centre-ville, après que les explosions consécutives d'un véhicule piégé et d'un kamikaze à l'entrée eurent ouvert la voie. Les assaillants ont ensuite affronté les forces somaliennes et l'Amisom durant près de 90 minutes avant d'être abattus ou de déclencher les explosifs qu'ils portaient sur eux.

Le bilan de 18 morts intègre les sept assaillants. Huit personnes travaillant pour l'ONU - cinq Somaliens, deux Sud-Africains et une Kényane - font partie des victimes. Trois civils somaliens ont également été tués, pris dans les échanges de tirs nourris entre membres du commando shebab et les forces somaliennes et de l'Union africaine (Amisom), selon la police somalienne.

«L'opération était destinée à montrer à l'ONU qu'elle ne trouverait aucun refuge sûr en Somalie», a lancé jeudi le porte-parole des shebab Ali Mohamed Rage - alias «Ali Dheere» («Grand Ali») - sur Radio Andalus, l'antenne officielle du mouvement.

«C'est un avertissement pour les mécréants qui rêvent de violer les droits du peuple somalien à l'avenir», a-t-il ajouté, accusant l'ONU de «recruter des agents pour combattre l'Islam». Cette «claire démonstration de force montre que ni les tanks et ni un important arsenal militaire n'empêcheront nos moudjahidine de défendre les valeurs de leur religion.»

Dans un communiqué diffusé dès mercredi soir, le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, a cependant estimé que les shebab étaient le «déshonneur» de la Somalie et a assuré que la «violence et la terreur ne feraient pas dérailler» le processus enclenché pour sécuriser la capitale somalienne.

«Au cours de l'année écoulée, la Somalie a tourné une page», a-t-il poursuivi. «Nous sommes maintenant sur le chemin ferme de la reconstruction et de la réconciliation.»

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a critiqué cette attaque de «méprisable» et a assuré au président somalien que les Nations unies continueraient d'assurer leur mission de soutien aux jeunes autorités du pays.

À Mogadiscio, le responsable de l'hôpital Medina, Mohamed Yusuf, a indiqué que 18 personnes étaient toujours traitées jeudi dans son établissement, le principal de la capitale. Quatre d'entre elles se trouvaient dans un état grave.

Mogadiscio semblait calme, mais les environs du complexe de l'ONU restaient bouclés.

«La situation est calme (...) les forces de sécurité mènent des opérations», a indiqué un responsable policier, Abdi Mohamed.

Après l'attaque de mercredi, le personnel de l'ONU a lui été déplacé au siège ultra-sécurisé de l'Amisom, dans l'enceinte de l'aéroport de Mogadiscio. Certains, selon une source humanitaire ayant requis l'anonymat, ont été temporairement envoyés à Nairobi, la capitale du Kenya.

«L'attaque nous a choqués (...) Nous ne pensions pas que les shebab pouvaient attaquer une zone tellement défendue», a raconté un habitant de Mogadiscio, Ali Muktar.

Le président somalien a averti les Somaliens du risque que ces attaques se répètent, et appelé la population à aider les autorités à «dissuader et attraper ces criminels lâches».

La vie a peu à peu repris son cours à Mogadiscio depuis que les shebab en ont été chassés à l'été 2011. Mais la ville continue malgré tout de faire l'objet d'attentats-suicide. En avril, une attaque des shebab contre un tribunal a fait 34 morts.

La Somalie est en état permanent de guerre civile depuis la chute du président Siad Barre en 1991. L'élection en septembre du président Hassan Cheikh Mohamoud, après plus d'une décennie de gouvernements transitoires sans pouvoir ou corrompus, a suscité l'espoir de doter enfin le pays de l'autorité centrale dont il est privé depuis deux décennies.