Le fils de l'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, Karim Wade, «super-ministre» au style flamboyant pendant le règne de son père, a été placé lundi en garde à vue par les gendarmes à Dakar qui enquêtent sur l'origine de sa fortune présumée, évaluée à plus d'un milliard d'euros.

Karim Wade «a été placé en garde à vue à la demande du procureur» d'une Cour spéciale sur l'enrichissement illicite, a déclaré à l'AFP Me Demba Ciré Bathily. Les gendarmes étaient auparavant venus le chercher au domicile familial de Dakar pour l'emmener à la gendarmerie.

Selon l'avocat, il a été placé en garde à vue à la gendarmerie «avec sept à huit personnes», dont un directeur d'une société aéroportuaire d'assistance au sol et un ancien responsable de l'aéroport de Dakar,

«C'est une épreuve de force que le régime nous impose, mais nous avons le droit avec nous», a déclaré à la presse un autre avocat, Ciré Clédor Ly.

La garde à vue est intervenue quelques heures après la remise par les avocats de Karim Wade d'un dossier, de «presque 50 pages avec 3000 pièces au moins» selon Me Ly, contenant les justificatifs sur l'origine de ses avoirs auprès de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).

La CREI est une cour spéciale qui était en sommeil depuis des année et a été réactivée par le régime du président Macky Sall, après son élection en mars 2012.

Karim Wade, 44 ans, avait été mis en demeure le 15 mars, après une audition par la CREI, de justifier dans un délai d'un mois des avoirs évalués par cette Cour spéciale à 694 milliards FCFA (1,058 milliards d'euros).

Cette somme proviendrait de sociétés dont l'ancien ministre serait le «propriétaire» ainsi que de «propriétés immobilières» et de comptes bancaires, selon les avocats de M. Wade.

Le Parti démocratique sénégalais (PDS) d'Abdoulaye Wade dénonce «une chasse aux sorcières» depuis le début de l'enquête en juillet 2012 sur de présumés bien mal acquis, non seulement par Karim, mais aussi par d'autres barons du régime d'Abdoulaye Wade, battu l'an dernier par Macky Sall après douze ans au pouvoir.

Adulé par son père

Karim Wade avait déjà été entendu plusieurs fois par la justice ou la gendarmerie l'an dernier, avec d'autres responsables de l'ancien -régime.

Il fait aussi l'objet d'une enquête en France à la suite d'une plainte de l'État du Sénégal pour recel de détournement de fonds publics, recel d'abus de biens sociaux et corruption.

Après sa dernière audition par la gendarmerie sénégalaise, en novembre 2012, il avait été interdit de sortie du territoire sénégalais avec six autres dignitaires de l'ancien régime.

Karim Wade, ex-ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l'Energie, doté de gros budgets, était surnommé «Super ministre» ou «Ministre du ciel et de la terre».

Ancien conseiller de son père, Karim a également occupé plusieurs autres fonctions, dont celle de responsable de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique, chargée de grands travaux avant le sommet de l'OCI organisé en mars 2008 à Dakar.

Grand, l'air hautain et arrogant, Karim Wade a mené grand train pendant ces années, voyageant le plus souvent dans des jets privés et fréquentant les établissements les plus prestigieux de Dakar. Il comptait parmi ses amis le roi Mohamed VI du Maroc.

Ancien expert financier à la City de Londres, cet homme brillant adulé par son père qui voyait en lui son successeur naturel, était cependant peu populaire au Sénégal où il lui était reproché de mal parler la principale langue nationale, le wolof, d'avoir vécu trop longtemps à l'étranger et d'être distant.

Signe de son impopularité, il avait été battu aux municipales à Dakar en 2009, ne parvenant même pas à obtenir la majorité dans son propre bureau de vote.

Père de trois filles, Karim Wade a perdu son épouse Karine, franco-allemande d'une trentaine d'années, décédée en 2009 à Paris des suite d'un cancer.