La résidence ultra-sécurisée d'Oscar Pistorius, semblable à des dizaines d'autres en Afrique du Sud, avec des kilomètres de murs de béton surmontés de clôtures électrifiées, des patrouilles 24 heures sur 24 et des contrôles à l'entrée, n'aura pas protégé la top-model Reeva Steenkamp, victime d'une violence qui n'épargne pas les «havres de paix» où se réfugient les riches.

De nombreux experts pensent que ces lotissements omniprésents en Afrique du Sud, où ils sont appelés «villages sécurisés», donnent à leurs résidents un sentiment de sécurité, face à l'effrayant taux de criminalité observé dans le pays, mais ne les protègent pas de la violence intrinsèque de la société, comme l'a démontré le drame Pistorius.

«Les gens cherchent à créer un mode de vie déconnecté avec ce qui fait vraiment la vie urbaine contemporaine», estime Erna van Wyk, une psychologue spécialisée dans le stress traumatique à l'université Wits de Johannesburg.

Les travaux de la chercheuse montrent que les habitants des villages sécurisés s'unissent souvent autour de valeurs partagées. Et ils estiment que les menaces ne peuvent provenir que de groupes extérieurs.

«Il y a une fausse différenciation entre l'endroit où je suis en sécurité, et l'endroit où je ne suis pas en sécurité dans le monde», juge Mme van Wyk.

«Cependant, la violence domestique est tout aussi commune dans les communautés fermées» ceintes de murs, juge-t-elle.

Silver Woods Country Estate, où Pistorius dit avoir tué Reeva Steenkamp après l'avoir prise pour un voleur, est l'un des milliers de villages sécurisés qui ont fait des banlieues sud-africaines un patchwork de quartiers pavillonnaires entourés de remparts.

«Ces dix dernières années, la demande pour ces choses a augmenté de façon quasi exponentielle, parce que les gens étaient inquiets de la criminalité», explique Garth Jaeger, directeur de Garnat Properties, le promoteur immobilier qui a construit Silver Woods.

«Plusieurs centaines de milliers de rands» (dizaines de milliers d'euros) ont été investis dans la sécurité du domaine, afin de rassurer des acheteurs issus du haut de la classe moyenne.

L'industrie de la sécurité pèse désormais lourd dans l'économie sud-africaine.

Le chiffre d'affaires des services de détection des intrus est à lui seul estimé à de 60 milliards de rands (5 milliards d'euros) selon leur association professionnelle.

Et le pays, qui compte 52 millions d'habitants, emploie près de 400 000 agents de sécurité.

Mais les Sud-Africains aisés ne sont pas seulement obsédés par la sécurité. En s'installant à Silver Woods, par exemple, ils achètent une image de marque.

«Beaucoup de gens dans les communautés fermées cherchent à créer un mode de vie idyllique, qui renvoie à l'image de la vie villageoise avant l'urbanisation rapide» de l'après-guerre, observe Erna van Wyk.

Certains pensent que cette tendance ramène à une époque plus sombre de l'histoire du pays, ces enclaves fortifiées créant un nouvel apartheid, où les Blancs plus aisés cherchent à bien se séparer des Noirs, plus pauvres.

«On dit que la peur du crime est mise en avant pour masquer une peur raciste», ont ainsi écrit les chercheurs du Centre d'études de l'urbanisme et de l'environnement bâti de Wits dans un récent article universitaire.

Les auteurs ont constaté que ces «versions ceintes de murs de la banlieue» ont grandi de 153% entre 1998 et 2005 rien qu'au Cap, deuxième ville du pays.

Les jeunes couples qui poursuivent le rêve d'accession à la propriété sont les plus demandeurs, avec 66% des ventes dans les villages sécuritaires.

Mais l'expérience d'Oscar Pistorius et Reeva Steenkamp a montré que les murs les plus hauts ne pouvaient empêcher les rêves dorés d'un jeune couple de se transformer en cauchemar.