En moins de trois semaines, une coalition de groupes rebelles a pris le contrôle d'une grande partie de la République centrafricaine. En appelant en renfort des troupes des pays voisins, le président du pays, François Bozizé, semble avoir ralenti les groupes armés, qui se disaient hier prêts à négocier. Survol, en quatre questions, des enjeux d'une crise qui frappe un pays déjà maintes fois ébranlé.

Q: Qui sont les rebelles?

R: Le gouvernement de François Bozizé, arrivé au pouvoir en 2003 après un coup d'État, fait face à une coalition de trois groupes rebelles issus des tribus du nord-est de la République centrafricaine, aussi appelée Centrafrique. Les rebelles se sont unis sous la bannière Séléka, ce qui, en langue sango, veut dire «alliance». On trouve aussi dans leurs rangs des «soldats perdus» de conflits avoisinants, notamment ceux du Darfour et du Soudan, au dire de Thierry Vircoulon, directeur du programme d'Afrique centrale à l'International Crisis Group.

Q: Que veulent les rebelles?

R: Les groupes armés affirment que le président a violé deux traités de paix conclus lors de conflits précédents, en 2007 et en 2008. Cette explication ne convainc cependant pas tous les experts. «Le principal grief des rebelles porte davantage sur la répartition régionale du pouvoir», explique Thierry Vircoulon. Il note que les rebelles, principalement issus de la minorité musulmane du nord du pays, voudraient garder le contrôle de leurs zones d'influence. Le gouvernement central, pour sa part, est contrôlé par la majorité chrétienne. Les rebelles ont profité du retrait de soldats tchadiens, qui faisaient partie de la garde présidentielle, pour lancer une offensive.

Q: Quel territoire les rebelles ont-ils réussi à prendre depuis le 10 décembre?

R: Partis du nord du pays et se dirigeant vers la capitale, Bangui, les rebelles ont fait des razzias dans plusieurs villes, dont le chef-lieu diamantaire du pays, Bria. Ils ont aussi lancé des offensives contre Batangogo, Kabo, Ippy, Kaga Bandoro, Bambari et Sibut. Cette dernière ville est située à tout juste 160 km de la capitale. «Les rebelles ne sont pas très nombreux. Ils se promènent en 4 x 4 et font des raids contre les villes, pillent un peu et continuent leur chemin», explique Thierry Vircoulon. Malgré le petit nombre de rebelles, l'armée centrafricaine, mal équipée et mal formée, n'a pas tenu le coup. Pour freiner les rebelles, le président Bozizé a appelé les pays avoisinants en renfort. Au cours des derniers jours, quelques centaines de troupes du Gabon, du Cameroun, du Congo-Brazzaville et du Tchad ont commencé à arriver. Elles prêteront main-forte à la Force multinationale d'Afrique centrale, composée d'environ 400 hommes, déployée dans le pays depuis 2008.

Q: Ces renforts suffiront-ils à mettre un terme à la crise?

R: Difficile à dire pour le moment, mais la manoeuvre semble avoir porté ses fruits. Pour protéger Bangui contre l'arrivée des rebelles, les troupes de la force d'interposition ont convergé sur Damara, la dernière ville qui les sépare de la capitale. Hier, les rebelles ont annoncé qu'ils s'arrêtaient à Sibut et acceptaient de négocier dès la semaine prochaine à Libreville, au Gabon. Cependant, les divers groupes armés qui composent Séléka ne semblent pas s'entendre sur les modalités de la négociation. Ces pourparlers pourraient ouvrir la voie à un gouvernement d'union nationale auquel les rebelles pourraient participer. Certains groupes refusent que l'actuel président centrafricain participe aux négociations, une éventualité rejetée par le principal intéressé.