Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a affirmé dimanche que les rebelles devaient quitter la ville de Goma (est) avant toute négociation alors même que la rébellion exige d'entamer d'abord des discussions directes avec le président Joseph Kabila.

Parallèlement, les efforts diplomatiques se sont accentués dimanche pour mettre un terme à cette rébellion réactivée au printemps dans la riche province minière du Nord-Kivu (est), théâtre depuis une vingtaine d'années de conflits quasiment ininterrompus avec l'ingérence des pays voisins.

Le président Kabila est rentré dimanche à Kinshasa sans avoir revu aucun représentant de la rébellion, a précisé une source à la présidence congolaise.

La veille, à Kampala, une rencontre exceptionnelle avait eu lieu entre M. Kabila et le président du mouvement rebelle M23, Jean-Marie Runiga Lugerero, dans le cadre d'une médiation organisée par le président ougandais Yoweri Museveni.

Après leur entrevue - inédite depuis l'arrivée au pouvoir de M. Kabila en 2001 - M. Runiga avait affirmé qu'il allait revoir dimanche M. Kabila pour «parler des modalités» des négociations et des «points» qui seraient à l'ordre du jour.

Mais le bras de fer a repris dimanche entre les deux parties.

Le gouvernement a affirmé, par la voix de son porte-parole, que le retrait de la ville de Goma était «un impératif tout à fait majeur et incontournable».

Puis le chef politique du M23, M. Runiga Lugerero, a réaffirmé à l'AFP depuis Kampala que «le retrait de Goma ne doit pas être une condition pour les négociations mais doit être le résultat des négociations». La veille, déjà, il avait conditionné ce retrait à des négociations «directes» avec le chef de l'État et réaffirmé que la rébellion se défendrait en cas d'attaque de l'armée.

Selon un diplomate occidental dans la région, le président ougandais aurait accepté de rencontrer directement le chef militaire du M23 Sultani Makenga mais cette information n'a pu être confirmée.

Les rebelles étaient toujours présents dimanche à Goma et la présence des soldats de la Mission de l'ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco) - qui appuie l'armée congolaise contre les rebelles - était plus importante dans les rues que les jours précédents, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le M23 est composé d'anciens rebelles ayant intégré l'armée en 2009. Ils se sont mutinés en avril dernier, arguant que Kinshasa n'a pas pleinement appliqué les accords de paix du 23 mars 2009, et ils combattent depuis l'armée régulière dans la région du Kivu.

Samedi, un sommet extraordinaire à Kampala a réuni quatre chefs d'État de la région - MM. Kabila et Museveni et leurs homologues Mwai Kibaki (Kenya) et Jakaya Kikwete (Tanzanie).

Ils ont exigé l'arrêt des hostilités, le départ des rebelles de Goma avant mardi et leur retrait à une vingtaine de kilomètres au nord de la ville, tout en recommandant à M. Kabila d'«écouter, d'évaluer et de prendre en compte les revendications légitimes» des rebelles.

«Légitimer le M23»

Le président rwandais Paul Kagame a été le grand absent de ce sommet régional, alors même que son pays est accusé par Kinshasa et par des experts de l'ONU de soutenir - et diriger - le M23 qui compte principalement dans ses rangs des Congolais d'ethnie tutsi.

Durant le week-end, le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, a fait spécialement le déplacement à Kigali pour s'entretenir avec son homologue rwandais. MM. Kagame et Sassou Nguesso ont «invité» Kinshasa et les rebelles du M23 «à mettre en oeuvre les conclusions de Kampala qui représentent une bonne base pour le règlement de ce conflit», selon les termes d'un communiqué publié par le gouvernement rwandais.

De leur côté, des ONG dans l'est de la RDC ont accusé dimanche le gouvernement congolais de s'être «courbé» au sommet de Kampala face aux «États agresseurs», sans citer le Rwanda et l'Ouganda voisins. La fédération d'ONG Société civile du Nord-Kivu s'est dit «complètement déçue des résolutions adoptées à Kampala» qui n'ont fait que «légitimer le M23», selon elle, «en humiliant la nation congolaise et en bradant sa souveraineté».

L'Union africaine (UA) a, à son tour, appelé dimanche le M23 à se conformer aux décisions prises à Kampala mais a également salué «l'engagement du gouvernement de la RDC (...) à prendre en compte toute revendication légitime du M23».

«Le sommet (...) a dressé un plan en dix points qui prévoit le retrait immédiat des éléments du M23 de tous les endroits qu'ils ont récemment occupés ainsi que l'établissement d'arrangements de sécurité pour suivre la situation sur le terrain», a déclaré dans un communiqué la présidente de la commission de l'UA, Nkosazana Dlamini Zuma.

Mme Zuma a réitéré la «profonde inquiétude» de l'UA quant à «l'aggravation de la situation humanitaire sur le terrain et aux exactions commises contre les populations civiles».

Chronologie de la crise

L'est de la République démocratique du Congo (RDC), région minière instable, est en proie à une rébellion depuis fin avril 2012. La rébellion est essentiellement formée d'anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) qui, après avoir intégré l'armée dans le cadre d'un accord de paix avec Kinshasa signé le 23 mars 2009, se sont mutinés et combattent depuis l'armée dans le Kivu, frontalier du Rwanda et de l'Ouganda.

- 29 avr: Début d'affrontements dans le Nord-Kivu entre l'armée (FARDC) et des soldats ex-membres du CNDP, dans le territoire de Masisi.

Début avril, plus d'une dizaine d'officiers supérieurs, ex-membres du CNDP, ont quitté les rangs avec quelques centaines d'hommes dans le Nord et le Sud-Kivu. Ces officiers sont des proches de Bosco Ntaganda, intégrés comme lui dans l'armée en 2009. Ntaganda est recherché depuis 2006 par la Cour pénale internationale.

- 6 mai: Création du Mouvement du 23 mars (M23), composé des mutins ex-membres du CNDP et dirigé par le colonel Sultani Makenga, ancien numéro 3 du CNDP. Le M23 réclame la mise en oeuvre des accords de mars 2009. Ntaganda et Makenga dirigent la mutinerie, selon Kinshasa.

- 6 juil: La localité de Bunagana, important poste-frontière avec l'Ouganda, tombe aux mains du M23 après des combats, au cours desquels un Casque bleu indien de la Mission de l'ONU (Monusco) est tué.

- 25 juil: Les FARDC reprennent plusieurs villages au nord de Kibumba et Rugari d'où elles avaient été chassées lors d'une offensive du M23.

- 31 août: Annonce surprise par le Rwanda du retrait d'environ 280 de ses soldats engagés dans des opérations conjointes de pacification avec l'armée congolaise. Ceux-ci faisaient partie d'un bataillon congolo-rwandais déployé après l'opération militaire de 2009 des deux pays, destinée à combattre la rébellion hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

- 19 oct: Le Conseil de sécurité de l'ONU exprime son «soutien sans réserve» aux experts qui accusent le Rwanda et l'Ouganda d'armer le M23 et menace implicitement Kigali et Kampala de sanctions.

- 13 nov: Les États-Unis et l'ONU prennent des sanctions contre le chef du M23, Sultani Makenga.

- 15 nov: Les combats entre le M23 et l'armée reprennent près de Goma après une trêve de trois mois, faisant 150 morts du côté des rebelles (sources provinciales), qui démentent.

- 17 nov: L'ONU demande l'arrêt de l'avance de la rébellion vers Goma et que «tout soutien extérieur et toute fourniture d'équipement au M23 cessent».

- 17-18 nov: Les rebelles mènent une offensive jusqu'aux portes de Goma, provoquant la fuite de chefs militaires et civils, ainsi que l'exode de déplacés d'un camp voisin. Ils arrêtent leur progression à quelques km du centre-ville mais menacent de «prendre» la ville s'ils sont attaqués.

Des hélicoptères de l'ONU tirent des roquettes et obus pour tenter d'endiguer l'avancée rebelle vers l'aéroport de Goma.

- 19 nov: Les mutins lancent un ultimatum au gouvernement, lui demandant d'ici 24 heures de démilitariser la ville et d'ouvrir des négociations. Devant le refus de Kinshasa, la rébellion reprend ses tirs d'artillerie.

Le Rwanda accuse l'armée congolaise de l'avoir «délibérément» bombardé avec des chars et des mortiers. La RDC dément avoir ordonné de tels tirs.

- 20 nov: Les rebelles du M23 entrent dans Goma et occupent la ville. Le président Joseph Kabila appelle les Congolais à se mobiliser.

- 21 nov: Les rebelles prennent Sake, localitée situé à une trentaine de km à l'ouest de Goma. Réunis à Kampala, les présidents ougandais Yoweri Museveni, rwandais Paul Kagame et Kabila exigent du M23 qu'il se retire de Goma et cesse les hostilités.

- 22 nov: l'armée congolaise, alliée à une milice locale, échoue à reprendre Sake après de violents combats qui font fuir des milliers de personnes vers un camp de déplacés proche de Goma. Le M23 exige un dialogue «direct» avec Kabila avant tout retrait de Goma.

- 24 nov: des chefs d'État africains réunis à Kampala somment le M23 de se retirer de Goma dans les 48H et demandent à Kinshasa «d'écouter, évaluer et prendre en compte les revendications légitimes» des rebelles. En marge du sommet, Kabila rencontre pour la première fois le chef du M23 Jean-Marie Runiga.

- 25 nov: l'Union africaine appelle le M23 à appliquer les décisions du sommet de Kampala, tout comme Paul Kagame et son homologue congolais Sassou Nguesso réunis à Kigali. Kinshasa affirme que le retrait de Goma est «impératif» avant des négociations, le chef du M23 que ce retrait ne peut être «une condition» pour les négociations.