Cheick Modibo Diarra est revenu récemment au Mali dans l'espoir de se faire élire président. Depuis, un coup d'État a été mené, une rébellion a plongé le pays en pleine crise et le scrutin a été annulé. Ce politicien charismatique vient néanmoins d'être propulsé au poste de premier ministre. Il porte désormais le Mali sur ses larges épaules, raconte notre collaborateur.

Cheick Modibo Diarra possède un doctorat en astrophysique, mais n'est pas un geek. Charismatique, il parle avec confiance devant les caméras. C'est d'ailleurs lui qui a eu l'idée de retransmettre en direct la mission Sojourner sur Mars en 1997, un des grands succès médiatiques de la NASA.

À 60 ans, il a une réputation internationale et un CV de béton: directeur à la NASA, président de Microsoft Afrique, ambassadeur de bonne volonté à l'UNESCO.

Mais devenir premier ministre n'était pas une de ses ambitions.

Le 21 mars, de jeunes officiers ont fomenté un coup d'État contre le président Amadou Toumani Touré, surnommé ATT. Du coup, les rebelles touareg et leurs alliés islamistes en ont profité pour prendre le contrôle du nord du pays.

Depuis, la junte a accepté le retour d'un gouvernement civil après de longues négociations. Cheick Modibo Diarra a été nommé premier ministre. «Et c'est à lui, après de longues négociations entre la junte et les représentants de différentes organisations africaines, que le pouvoir a été offert plutôt qu'au président de l'Assemblée nationale et président par intérim, Dioncounda Traoré, comme le veut la Constitution.

Oumou Kassogue, qui tient une gargote à Bamako, s'en réjouit. «Les gens veulent du changement. Ils n'aiment pas Traoré, parce qu'il est trop mou et qu'il est avec ATT. Donner le pouvoir à Diarra, c'est bien, il est extérieur à tout ça.»

Associé à la corruption

Cheick Modibo Diarra était jusqu'ici presque inconnu au Mali, qu'il a quitté après le lycée. Il n'était d'ailleurs pas parmi les favoris pour la présidentielle.

«Nous, c'est le capitaine Sanogo que nous aimons. Diarra, c'est un politicien. Il est là pour manger», dit Abdou Sissoko, quincailler au marché central, non loin d'un stand où l'on vend le portrait du capitaine pour quelque 80$.

Les putschistes restent toujours populaires pour avoir dégagé ceux qui «mangent» l'argent de l'État, c'est-à-dire ces politiciens qui s'enrichissent de la corruption. M. Diarra a accumulé sa richesse à l'étranger, mais devra vivre avec le stigmate associé aux politiciens qui se sont enrichis sous l'ère d'ATT.

Sa famille pourrait l'aider. Son frère aîné, Sidi Sosso, ancien vérificateur général du Mali, a reçu des menaces de mort et a été emprisonné pour avoir dénoncé cette corruption.

Et son beau-père, Moussa Traoré, dictateur renversé par ATT, reste populaire auprès de nostalgiques d'une époque où l'armée malienne dirigeait le pays d'une main de fer.

Dans l'ombre de l'armée

Selon le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la république (FDR), qui regroupe 40 partis politiques et une centaine d'organisations de la société civile contre la junte, M. Diarra est une marionnette. «La junte militaire continue de dominer la vie politique et refuse de se soumettre à l'autorité constitutionnelle», affirme son porte-parole, Siaka Diakité.

Les détracteurs de Cheick Modibo Diarra lui reprochent notamment d'avoir nommé unilatéralement le nouveau gouvernement cette semaine. Trois militaires et 21 technocrates inconnus, choisis sans consultation avec les formations politiques.

M. Diarra a du mal à contenir les militaires qui sont plus occupés à faire de la politique qu'à combattre les rebelles dans le nord du pays (Tombouctou était hier en partie contrôlée par un nouveau groupe armée: le Front national de libération de l'Azawad). La semaine dernière, plusieurs politiciens ont été arrêtés par la junte, puis relâchés. Le premier ministre a dû personnellement intervenir à deux reprises sur le tarmac de l'aéroport pour que les militaires laissent partir l'avion qui devait évacuer Soumaila Cissé, candidat à la présidentielle gravement blessé en détention.

Le nouveau premier ministre devra, comme première tâche, trouver une solution à la rébellion qui coupe le pays en deux. S'il se dit ouvert aux négociations, il devra d'abord rassembler tous les Maliens, plus divisés que jamais.