Le président Alassane Ouattara a entamé mercredi une visite d'État en France, qui voit dans la Côte d'Ivoire un exemple de démocratisation, tout en mettant en garde contre les violences menaçant la réconciliation, moins d'un an après une crise post-électorale meurtrière.

Alassane Ouattara, 70 ans, est arrivé mercredi après-midi à l'aéroport d'Orly, où il a été accueilli par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant. Au menu de cette visite: soutien à la réconciliation nationale, appel aux entreprises françaises et signature d'un nouvel accord de défense.

Il doit s'entretenir jeudi à l'Élysée avec le président Nicolas Sarkozy, avant un dîner d'État. Une rencontre est prévue vendredi avec des chefs d'entreprises français et ivoiriens. M. Ouattara quittera Paris samedi pour Addis Abeba et le sommet annuel de l'Union africaine.

«Je viens d'abord remercier le président Sarkozy et son gouvernement pour l'intervention menée en avril sous mandat des Nations Unies. Sans elle, il y aurait eu en Côte d'Ivoire un génocide pire qu'au Rwanda. Abidjan, c'est 6 millions d'habitants. Tel que c'était parti, on aurait pu avoir un million de personnes assassinées», a jugé Alassane Ouattara dans un entretien au quotidien Le Monde.

Ex-puissance coloniale, la France a été l'un des principaux alliés d'Alassane Ouattara lors de la crise de décembre 2010-avril 2011, qui avait fait 3000 morts après le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite au scrutin présidentiel de novembre 2010.

En recevant ainsi Alassane Ouattara avec faste, Paris entend apporter son soutien au processus de réconciliation tout en renouvelant ses mises en garde contre la poursuite des violences en Côte d'Ivoire.

Le ministère des Affaires étrangères a ainsi «condamné» l'attaque le week-end dernier à Abidjan d'un meeting de partisans de Laurent Gbagbo, appelant la justice à poursuivre les auteurs de ces actes, qui ont fait un mort.

Aucune réunion n'est prévue avec la communauté ivoirienne en France. Dans l'entourage de M. Ouattara, on fait valoir que le président était déjà allé à sa rencontre lors de sa première venue officielle en France, en marge du sommet du G8 à Deauville, fin mai 2011.

Mais cette décision peut aussi s'expliquer par la présence en France de nombreux partisans de Laurent Gbagbo, écroué depuis le 30 novembre par la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye qui le soupçonne de crimes contre l'humanité.

Les troupes d'Alassane Ouattara sont aussi accusées d'avoir commis des massacres dans l'ouest lors de leur progression.

M. Ouattara a accédé au pouvoir après deux semaines de guerre grâce aux ex-rebelles nordistes et aux bombardements décisifs de la France et de l'ONU. M. Sarkozy avait été le seul chef d'État occidental à assister à son investiture en mai 2011.

Le temps fort de la visite du chef d'État ivoirien sera la signature jeudi d'un «accord de défense et de sécurité» rénové. La force française en Côte d'Ivoire Licorne (1600 soldats au plus fort de la dernière crise, 450 actuellement) ne doit plus compter à terme que quelque 300 militaires chargés de la formation de l'armée ivoirienne.

«La France doit rester dans notre pays plus longtemps et de manière plus substantielle. Je comprends les contraintes budgétaires, mais Paris doit bien prendre en compte la fragilisation de l'Afrique du Nord», a déclaré au Monde le président ivoirien.

Les dossiers économiques ne seront pas oubliés, alors que la France est, hors pétrole, le premier partenaire économique de la Côte d'Ivoire, première puissance économique d'Afrique de l'Ouest francophone.

Depuis la fin de la crise, la France a débloqué 400 millions d'euros de prêts, mais le gros morceau reste à venir: un «contrat désendettement développement» doté de deux milliards d'euros.