Les troubles liés aux conflits religieux et aux manifestations contre la hausse des carburants, qui paralysent le pays, ont fait au moins dix-sept morts depuis lundi au Nigeria, avec l'incendie d'une mosquée dans le sud chrétien et six tués dans l'attaque d'un bar par des islamistes présumés dans le nord-est.

Des assaillants ont attaqué mardi et incendié en partie la mosquée centrale de la ville de Benin City (sud) où au moins cinq personnes ont été tuées et 10 000 déplacées depuis lundi par ces violences visant des musulmans, selon la Croix-Rouge locale.

Il s'agit de la première vague de violences visant des musulmans dans le sud du Nigeria depuis la multiplication ces deux dernières semaines des attaques contre des chrétiens dans le nord musulman, revendiquées en partie par le groupe islamiste Boko Haram.

«Nous avons enregistré jusqu'à présent cinq tués (...) parmi les assaillants comme les assiégés», a indiqué à l'AFP Dan Enowoghomwenwa, secrétaire général de la Croix-Rouge dans l'État d'Edo, un État fédéré à majorité chrétienne.

Il faisait référence à l'attaque lundi d'une première mosquée à Benin City en marge d'une manifestation contre la hausse des prix des carburants. L'incident a eu lieu dans un quartier haoussa (ou fulani), une communauté nordiste musulmane.

«Nous avons plus de 10 000 déplacés en différents endroits», a ajouté ce responsable de la Croix-Rouge.

Les violences se sont poursuivies mardi, avec l'attaque de la mosquée centrale de cette ville d'un million d'habitants, capitale de l'État d'Edo. Une école islamique du complexe religieux ainsi qu'un bus ont été incendiés.

Dans le nord-est, ce sont des islamistes présumés qui ont ouvert le feu sur les clients d'un bar de la ville de Potiskum, tuant six personnes, dont cinq policiers, selon des témoins.

Fief du groupe Boko Haram, Potiskum est l'un des épicentres des violences anti-chrétiennes qui secouent depuis plusieurs semaines le nord du pays. La ville est située dans l'État de Yobe, où l'état d'urgence est en vigueur depuis le 31 janvier.

Mardi, le président Goodluck Jonathan a rencontré dans la capitale fédérale Abuja les principaux responsables de la sécurité du pays.

Des milliers de manifestants ont aussi été dispersés mardi dans le nord et des barrages ont été érigés dans la capitale économique Lagos, au deuxième jour de la  grève générale contre le doublement des prix du carburant dans le pays, principal producteur africain de pétrole.

Au moins six personnes ont trouvé la mort lundi lors de heurts parfois violents entre forces de l'ordre et manifestants. Le chef de la police nigériane, Hafiz Ringim, a fait état de son côté que de la mort de trois personnes. Il a appelé les grévistes à se conduire pacifiquement, dénonçant les «mécréants» à l'origine des violences.

Le président Jonathan s'est attiré la colère des syndicats en annonçant le 1er janvier la fin des subventions à la vente des carburants, afin de réaliser 8 milliards de dollars d'économies.

Des dizaines de milliers de manifestants avaient défilé lundi dans les principales villes du pays. Mais la journée de mardi semblait moins violente.

La police a toutefois lancé des grenades lacrymogènes sur des manifestants et a tiré en l'air mardi à Bauchi (nord).

À Lagos, des jeunes ont érigé des barrages avec des pneus enflammés sur les principaux axes routiers, jetant des pierres sur les rares véhicules qui passaient et tentant au passage d'extorquer de l'argent aux conducteurs.

Environ un millier de personnes ont manifesté au rythme de l'afrobeat, un genre musical très populaire dans le pays.

«Nous ne suspendrons pas la grève avant que le gouvernement n'écoute la voix de la raison et revienne sur sa décision», a affirmé Daniel Ejiofor, un des manifestants.

La brusque hausse des prix de l'essence affecte la plupart des Nigérians, tant pour les transports que pour l'alimentation des générateurs d'électricité.

Mais si l'activité était largement à l'arrêt dans les grandes villes, la production de pétrole, 2,4 millions de barils par jour, n'avait pas été affectée lundi par la grève, selon des responsables du secteur.

Cette grève générale illimitée, conjuguée aux violences interconfessionnelles, fait craindre le pire dans ce pays dont la population est répartie à parts égales entre musulmans, majoritaires dans le nord, et chrétiens, vivant surtout dans le sud.

Depuis les sanglants attentats du jour de Noël qui avaient fait au moins 49 morts, six nouvelles attaques contre des chrétiens ont fait plus de 80 morts.

Dimanche, le président Jonathan s'était alarmé d'une situation «pire que la guerre civile» des années 60, en référence à la guerre sécessionniste du Biafra (1967-1970), et au caractère imprévisible des attaques religieuses.