Au terme d'une folle semaine d'accusations de fraudes ayant alimenté les craintes de violences, le président sortant Joseph Kabila devrait être désigné jeudi vainqueur de la présidentielle en RDC, face à une opposition impuissante qui crie au hold-up électoral.

Le patron de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, doit annoncer en fin de journée, avec 48 heures de retard, les résultats provisoires des 11 candidats au scrutin du 28 novembre, auquel 32 millions d'électeurs étaient appelés à voter.

La Commission électorale (CÉNI) proclamera jeudi à partir de 20h les résultats provisoires complets de la présidentielle à un tour du 28 novembre, a annoncé la télévision d'État (RTNC).

Un bandeau déroulant diffusé sur la RTNC annonce à «20 heures» la «retransmission en direct CÉNI», pour l'annonce des résultats des 11 candidats au scrutin présidentiel.

Selon les derniers chiffres partiels de la CÉNI annoncés mardi sur un peu plus de 89% des bureaux de vote, Kabila, 40 ans, élu en 2006, était nettement en tête (49%) avec 2,6 millions de voix d'avance sur le vieil opposant de 78 ans Étienne Tshisekedi (33,3%). Ce dernier rejette ces chiffres depuis le début du décompte.

Après une fin de campagne marquée par des violences meurtrières, un double scrutin présidentiel et législatif organisé de façon chaotique, avec de nombreuses irrégularités et des accusations de fraudes, la CÉNI a été critiquée pour sa méthode d'annonce des résultats partiels, qualifiée d'«illégale», «opaque et tendancieuse», par l'opposition.

Une opposition qui, avec 10 candidats, était partie en ordre dispersé à la bataille présidentielle, gage annoncé de son échec probable, mais se retrouve aujourd'hui ressoudée dans la défaite.

Vers une crise post-électorale

L'ONG International Crisis Group a lancé jeudi un appel «urgent» à la communauté internationale pour qu'elle évite une crise violente en République Démocratique du Congo où doit être annoncé ce soir le résultat provisoire de l'élection présidentielle du 28 novembre.

«L'ONU, l'Union africaine et l'Union européenne devraient envoyer de toute urgence une mission de haut niveau pour entamer une médiation entre factions rivales et trouver une solution alternative à la crise, sous les auspices de l'UA avec un soutien international», écrit ICG dans un communiqué.

«Une semaine après les élections présidentielle et législatives, la RD Congo est confrontée à une crise politique qui pourrait plonger à nouveau le pays dans un important cycle de violence», avertit ICG.

«Pour éviter la violence, les autorités congolaises doivent prendre des mesures d'urgence pour arriver à un résultat raisonnablement représentatif au terme d'un processus électoral sérieusement entaché» d'irrégularités, poursuit l'organisation, très critique par ailleurs sur la préparation du scrutin et le vote lui-même.

Dès le lendemain du scrutin, des résultats souvent fantaisistes et contradictoires ont circulé sur l'internet, par SMS ou dans la rue, et les autorités ont ordonné aux opérateurs de téléphonie de suspendre la diffusion des SMS.

Les chiffres de la CÉNI ne reflètent pas «la vérité des urnes» a toujours clamé le parti de Tshisekedi, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), pour qui «le peuple congolais s'est clairement exprimé pour l'alternance».

«Aucun coup de force, aucune tentative de hold up électoral ne pourra tenir», a prévenu le secrétaire général de l'UDPS.

Peu après le scrutin, Étienne Tshisekedi avait mis en garde «M. Ngoy Mulunda et (le président) Kabila pour qu'ils respectent la volonté du peuple», ajoutant qu'«en cas de besoin» il lancerait un «mot d'ordre», sans plus de précisions.

Trois autres candidats ont demandé l'annulation du scrutin.

La contestation de la victoire probable de Kabila fait craindre des troubles dans le pays, particulièrement dans la capitale Kinshasa, placée sous haute surveillance par les forces de sécurité depuis quelques jours.

Les rassemblements des partisans de l'opposition y sont systématiquement dispersés.

La ville de quelque 10 millions d'habitants vit au ralenti, les écoles et plusieurs administrations sont fermées, les taxis se font rares, les habitants hésitent à sortir, et la nuit venue les rues sont désertées.

Des violences pourraient éclater également dans la province du Katanga (sud-est), fief de Kabila selon les chiffres partiels de la CÉNI, et celles des Kasaï Occidentel et Oriental, région d'origine de Tshisekedi.

Officiellement, le nom du vainqueur de la présidentielle sera proclamé le 17 décembre par la Cour suprême de justice (CSJ), après traitement du contentieux.

Les candidats ont deux jours à compter de l'annonce de la CÉNI pour contester les résultats provisoires.

Mais déjà l'indépendance de la CSJ a été remise en question notamment par la mission d'observation électorale de l'Union européenne, après la nomination en pleine campagne par le président Kabila de 18 nouveaux magistrats.

Le nouveau président de la République doit prêter serment le 20 décembre.

Sans attendre la proclamation officielle de la CÉNI, la télévision nationale (RTNC) après une abstinence de quelques jours, a repris dès mercredi soir ses programmes à la gloire du président sortant.